Smart city : la revanche des villes moyennes ?
Après un engouement au milieu des années 2010, le marché de la ville intelligente a connu un net reflux en 2020. S’il peut s’expliquer par le contexte de crise, ce coup de frein signe aussi une évolution notable : les métropoles ont atteint la fin de leur cycle de projets et les acteurs de la smart city se tournent désormais vers les villes moyennes. C’est en tout cas ce que décrit une étude récente de l’institut Xerfi.
Qu’est-ce qu’une ville intelligente ? À la naissance des premiers projets, il y a un peu plus d’une dizaine d’années, on aurait été tenté d’évoquer le fantasme d’une mégapole futuriste, où tous les usages auraient été connectés entre eux. Aujourd’hui, la réalité est moins romanesque, même si les plus grandes villes françaises se sont toutes engagées dans la démarche, à des degrés divers.
Le cabinet d’analyse Xerfi référence et suit les projets « smart city » de 40 grandes agglomérations depuis 2008. « Nous avons répertorié plus de 251 projets depuis le début de cette étude. Pendant les premières années, le rythme se maintenait à une dizaine d’expérimentations par an, mais la période 2015-2018 a marqué un vrai boom, avec un pic à 43 projets en 2017 », détaille Flavien Vottero, directeur d’études stratégiques et économiques pour Xerfi. À ce moment-là, les projets deviennent plus concrets et se concentrent sur les domaines de l’efficacité énergétique, du pilotage de l’éclairage public et de la gestion des déchets, avec des grandes entreprises, comme Veolia, Suez ou EDF à la manœuvre.
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Un marché qui arrive à maturité
La troisième édition de l’étude Xerfi note pourtant une baisse de 60% de la valeur du marché en 2020. Un net recul qui s’explique de deux manières : « Il y a à la fois un effet conjoncturel auquel on s’attendait avec les élections municipales et la crise qui accentue le décalage des projets. Mais il y a surtout un effet structurel puisque, parmi les 40 plus grandes agglomérations, le taux d’équipement a quasiment atteint un seuil maximum », note Flavien Vottero. L’écosystème « smart city » semble donc être arrivé à maturité, pour les métropoles du moins.
Car une fenêtre s’ouvre à l’extérieur des grandes agglomérations, du côté des villes intermédiaires, voire plus petites. Elle tient d’abord à une volonté politique. « On a vu apparaître des fonds pour la digitalisation des territoires, mais aussi des aides d’État portée, par exemple, par la Banque des Territoires. Les communes moyennes ont donc des moyens et l’envie de saisir les opportunités liées aux technologies connectées », poursuit Flavien Vottero. De leur côté, les principaux acteurs du secteur se tournent donc vers ces communes qui représentent, selon Xerfi, un marché d’au moins 500 millions d’euros à l’horizon 2022.
Vers un nouveau modèle de développement
Pour l’instant, le modèle français de la ville intelligente a été incarné par Dijon ou Angers, des villes où les principaux usages (eau, déchet, sécurité, éclairage…) sont pilotés depuis un grand centre unique. L’entrée en scène des villes moyennes pourrait rebattre les cartes par rapport à ce tout technologique.
« Les modèles de Dijon ou Angers se heurtent tout de même à un problème opérationnel au niveau du partage de la donnée, un sujet complexe qui pose la question de l’acceptation par les citoyens. Les villes moyennes ont également des besoins différents, notamment au niveau de la revitalisation des centres-villes ou de la prise en charge des personnes âgées », souligne Flavien Vottero. Même si les questions d’efficacité énergétique et d’éclairage public offrent le meilleur retour sur investissement, il n’est donc pas dit qu’on assiste à l’émergence des mêmes offres.
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Les cartes pourraient également être rebattues du côté des prestataires. « Historiquement, les grands groupes ont pris position sur des sujets qu’ils maîtrisent, comme l’énergie ou les déchets, à côté d’autres acteurs du BTP ou de la mobilité. Mais sur des solutions de type « marketplace », on pourrait assister à la montée en puissance de start-up qui maîtrisent mieux ses enjeux », analyse Flavien Vottero.
Enfin, la question de l’optimisation des budgets pourrait amener des regroupements de communes et voir émerger de véritables « territoires intelligents », d’autant que certaines problématiques, comme l’accompagnement des personnes âgées, relèvent de la compétence de structures intercommunales (département et région).