Comment la ville peut devenir résiliente
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Comment la ville peut devenir résiliente

Accepter le risque pour mieux s’adapter aux chocs à venir : le concept même de ville résiliente implique un changement de stratégie pour tous les acteurs de la collectivité. Et il prend une importance cruciale au moment où le monde affronte une pandémie.

Le concept de résilience n’est pas nouveau et n’a rien d’une mode passagère. Depuis les années 1960, il a évolué, notamment sous l’influence de la psychologie. Appliqué à l’échelle de la ville, le concept se définit comme la capacité à absorber des perturbations et à récupérer ses fonctions. Avec une nuance, puisque ce retour à l’équilibre implique souvent un changement d’état, une modification de la situation initiale.

La ville résiliente intègre donc la culture du risque et accepte de travailler sur ses vulnérabilités. « Le cœur de la résilience réside dans la tension entre la création de protocoles destinés à prévenir le choc et la prise de conscience que ces mesures seront forcément insuffisantes. Par nature, le choc à venir est inconnu, imprévisible. Adopter une stratégie de résilience consiste donc à abandonner la question du risque zéro », analyse Chloé Voisin-Bormuth, directrice des études et de la recherche à La Fabrique de la Cité. Face aux multiples dangers qui menacent sa sécurité, qu’ils soient climatiques (inondation, séisme), sanitaires (épidémie) ou numériques (cyber-attaque), l’enjeu n’est plus de se renforcer afin de résister à un danger potentiel, mais de s’y préparer afin d’en atténuer les conséquences.

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Ville résiliente, démarches concertées

Ce changement d’approche replace l’humain au cœur du paradigme. Pour la chercheuse, il s’agit là d’un élément essentiel du processus : « Avec cette stratégie, nous entrons dans une culture du risque partagé. Or, une telle démarche ne peut pas se faire sans débat public, sans dialogue avec tous les acteurs de la collectivité sur la question de savoir ce que l’on accepte de perdre. » Sacrifier un espace, pour sauver des vies, c’est le choix opéré par la ville de Boston (Etats-Unis). Face aux risques de crues et d’inondations dans le sud de la ville, les élus ont repensé les installations publiques et élaboré des bâtiments « amphibies » aux rez-de-chaussée inondables. Une démarche menée en concertation avec les habitants.

Dans ce processus, les technologies de la ville intelligente constituent des outils, sans pour autant être une fin en soi. « La smart city participe à la résilience, dans la mesure où de tels protocoles peuvent s’appuyer sur la collecte de données. Mais ces innovations sont stériles quand elles ne sont pas accompagnées d’une sensibilisation de la population », prévient Chloé Voisin-Bormuth. Un enjeu auquel des collectifs comme le HANT (Hackers against natural disaster), porté par le climatologue Gaël Musquet, réfléchissent depuis plusieurs années. Lors de projets en Guadeloupe ou à l’Agence numérique d’Île-de-France, ce « hacker citoyen » a ainsi prôné pour la conception d’outils technologiques faciles à s’approprier pour les populations.

Identifier ses fragilités et mettre en commun les idées

Entre les crues, les incendies et les attentats, la ville de Paris possède une histoire jalonnée de bouleversements et d’adaptations. Un passé dont témoigne sa devise très résiliente : « fluctuat nec mergitur » (« elle flotte mais ne coule pas »). Depuis 2017, la ville s’est dotée d’une stratégie globale dans ce sens. Son plan intègre des actions aussi diverses que la création de groupes de citoyens solidaires destinés à sensibiliser les habitants, la cartographie du sous-sol en 3D ou la transformation des cours d’école et de collèges en « cours oasis » grâce à l’utilisation de matériaux innovants et de zones végétalisées. Lauréat de l’appel à projets « Réinventer Paris » (2015), un projet architectural comme Tangram -qui propose d’élaborer un bâtiment à partir de sept modules différents- met également en œuvre le principe d’adaptation de la structure aux chocs à venir.

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Dans cette démarche, les élus de la capitale s’inspirent de technologies et de procédures mises en place à New York, Wellington, Milan ou Copenhague. Car une ville résiliente sait tirer profit de toutes les expériences pour identifier ses fragilités. Réunis dans des projets comme « 100 Resilient cities », les grandes agglomérations ont déjà compris que le partage était la clé du succès. Et la crise sanitaire renforce cette approche : « Si l’on regarde la réaction des Européens face à la pandémie de Covid-19, on voit qu’un pays comme l’Allemagne avait déjà travaillé sur les faiblesses de son système hospitalier ou sur la réponse rapide des laboratoires. Autant de vulnérabilités révélées par la crise », analyse Chloé Voisin-Bormuth.

En consacrant un volet de son édition 2020 au secteur de la « Resilient Tech », le CES a montré que la technologie pouvait aussi être un allié sûr dans ce combat. Les drones, qui accèdent à des zones difficiles d’accès lors de catastrophes naturelles, ou l’intelligence artificielle, déjà à l’œuvre dans la conception des bâtiments intelligents et économes, en constituent de bons exemples. Car, demain, les réseaux énergétiques, menacés par les changements climatiques et par les nouveaux usages (la baisse des consommations d’eau ou d’électricité), pourraient être concernés. De quoi donner encore un peu plus de poids à l’idée de ville résiliente.

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Photo d’illustration Shutterstock.com

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