Produire à l’heure du Covid19 :  le grand retour du Made In France ?
Relocalisation
Décryptage

Produire à l’heure du Covid19 : le grand retour du Made In France ?

Pandémie, pénurie et urgence obligent, entre mars et juin 2020, près de 250 000 visières ont été conçues puis imprimées en 3D, ou découpées au laser, par quelques 5 000 fabricants bénévoles, dans plus d’une centaine de fablabs répartis sur tout le territoire français.

Cette mobilisation remarquable a été sans précédent à l’échelle nationale. Retour sur les différentes initiatives de production locale, signe d’une relocalisation dans les mois à venir ?

L’exemple de l’Industrie pharmaceutique

Nous l’avons constaté avec l’industrie pharmaceutique au sens large qui en ayant délocalisé des pans entiers de son appareil productif se trouvait en début de pandémie avec 80 % des principes actifs des médicaments nécessaires importés d’Inde et de Chine. Partisans de la mondialisation pour baisser les coûts de production hier, de plus en plus d’experts évoquent une relocalisation inévitable depuis cette crise. La pénurie ou les retards de livraison qui s’y rattachent finissent par coûter très cher localement.

Le retour du système D organisé

En réponse à ces pénuries, des centaines de fablabs, des milliers de makers indépendants, des artisans, des PME ont repris ou créé des modèles pour fabriquer en urgence, et en série, des équipements pour les professionnels de santé en première ligne : des systèmes de protections faciales jusque-là inédits, des pièces indispensables pour modifier les dispositifs de ventilation comme la transformation d’un masque de plongée Décathlon en respirateur, des systèmes ingénieux pour ouvrir/fermer les portes sans risquer de (se) contaminer, etc. La liste est longue de l’ingéniosité à la française durant cette crise.

De façon somme toute empirique, et sans réel cadre légal clair, parce que l’urgence et l’absence d’autre solution le justifiait pour des questions vitales, ces inventions ou adaptations de terrain ont orienté la tendance du retour à la fabrication locale, pour couvrir les besoins locaux.

Une véritable chaîne logistique pérenne, allant de la conception à la fabrication en passant par la certification a vu le jour. La solution semble s’orienter vers la prise en compte pratique de ce qu’il y a de meilleur dans chacune de ces initiatives et de répliquer partout en France ces modèles vertueux qui ont émergé dans les territoires et régions où l’urgence a décuplé les réponses locales.

De l’utopie à l’action de terrain

Face aux manques de matériel, aux retards dans les livraisons commandées à des milliers de kilomètres, cette nouvelle nécessité de relocaliser ici ce dont nous avions besoin porte également l’attente, peut-être utopique, de réaménager autrement le monde d’après. Cette tendance au collaboratif, a fait émerger comme objectif non plus seulement le profit, mais également le souci du bien commun.

Que va conserver le « monde d’après » ?

Cette tendance à la relocalisation des outils de production qui se dessine pourrait permettre à terme de généraliser des actions nationales, voire internationales, mais surtout, si la nécessité l’imposait, et le risque est grand que l’urgence se reproduise, de réactiver rapidement un réseau solide capable de concevoir vite et bien des modèles de référence, de mutualiser les achats de matières premières et de machines indispensables, et surtout de mobiliser les citoyens fabricants, les PME, les Collectivités, etc. nécessaires pour les fabriquer et les distribuer.

Maintenant que l’urgence est passée, le cadre réglementaire, les modes de fonctionnement, ou encore les habitudes reprendront-ils leur droit, ou est-il trop tard pour faire marche arrière ?

Les Français semblent avoir un avis sur la question : neuf sur dix veulent que l’exécutif favorise la relocalisation des entreprises industrielles, selon un récent sondage Odoxa-Comfluence. Ils se disent même prêts à payer un peu plus cher pour du « made in France », en contrepartie de la relocalisation des productions essentielles.

Souhaitons donc qu’il soit trop tard pour faire marche arrière. Et même si c’est plus facile à dire qu’à faire, ces initiatives ont montré qu’il était possible de concilier une production viable sur le plan économique et la création de valeur locale

Image par Michal Jarmoluk de Pixabay

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