« Être entrepreneur, c’est savoir conquérir un client et le garder »
Interview
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« Être entrepreneur, c’est savoir conquérir un client et le garder »

A priori, tout sépare Emmanuel Blanchet et David Jobin. Respectivement à la tête de Deepki et Royalties, ces entrepreneurs aux parcours diamétralement opposés partagent le goût de l’initiative et une même capacité à rebondir. French IoT vous propose deux articles qui retracent leurs itinéraires.

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« Être entrepreneur, c’est savoir conquérir un client et le garder », David Jobin, Président de l’agence Royalties

A 59 ans, vous co-dirigez l’agence de branding Royalties que vous avez cofondée après des années au sein de grands groupes. Comment êtes-vous devenu entrepreneur ?


David Jobin. Je ne suis pas né pas entrepreneur, je le suis devenu au contact des autres, en découvrant ce sentiment de liberté et parfois de solitude, après des années à suivre des leader-né-leader, ou obéi servilement hélas à des tyrans médiocres, ou trop bêtement écouté des gourous simplistes qui vivait sur mon dos.

J’ai fait la synthèse en me réveillant avec la fable de La Fontaine Le Loup et le Chien.
L’entrepreneur en moi est parfois « ce loup qui n’a trop souvent que les os et la peau ».
Le salarié que je fus est « ce dogue aussi puissant que beau, gras, poli » et qui raille gentiment le loup affamé.
Le loup en bavardant, demande au chien le pourquoi de sa trace dans le cou :
« Ah ! cela, c’est la trace du collier ou je suis attaché dit le Dogue.
Vous ne courez donc pas où vous voulez ? et maître Loup s’enfuit, et court encore »

Que vous ont appris vos débuts professionnels en tant que salarié ?

Quand j’ai commencé dans la publicité chez Young & Rubicam en 1987, c’était l’âge d’or de la communication. Le métier vivait gras et prospère. L’entreprise était généreuse et prenait le temps de former ses serviteurs, quel luxe magnifique ! Ce furent mes vraies études : j’y ai appris les rudiments de la valeur de communication méthode USA, avec idées et des astuces d’analyse qui m’aident tous les jours à comprendre les consommateurs et leur ressentis, et aussi sur les comportements en entreprise où se nichent les vices et les vertus de vos compagnons de route.

En quoi cette expérience vous a-t-elle été utile par la suite ?

Les anglo-saxons m’ont donné confiance en mon moi professionnel : la capacité à travailler avec d’autres que soi. Chez Saatchi & Saatchi, j’ai appris la co-conception, dans toutes ses dimensions exaltantes et gratifiante. Il y a des enjeux, il y a du risque, c’est une drôle d’affaire ça parce qu’on peut « tuer » pour un adverbe ou « mourir » pour une idée que l’on croit immense.

J’ai pris plaisir à maîtriser trois compétences pour aimer travailler en équipe : comprendre la règle et les objectifs, accepter la règle et ses conséquences, expliquer la règle à tous et la faire appliquer. C’est basique mais terriblement efficace. Trente-cinq ans après, je l’applique encore.

David Jobin, Président de l’agence Royalties

Après vous être frotté au management international avec ses succès et ses contraintes, vous êtes finalement devenu entrepreneur à 39 ans…

On m’a proposé de créer Interbrand Paris, une agence de branding anglo-americaine.

J’ai commencé seul dans un bureau, start-up sans baby, ni soirée karaokés, mais j’ai éprouvé la quantité de travail intense le jour, tous les jours, et la nuit aussi avec ses fantômes de doute.

Les agences de New York et de Londres me parrainaient et m’ont hissé vers la conquête de belles marques des clients, ce qui m’a permis de me connecté aux marques internationales françaises comme EDF, AirFrance ou Orange et bien d’autres. Interbrand m’a appris qu’être entrepreneur, c’est savoir conquérir un client et le garder, longtemps.

Avec les succès arrivent les risques aussi, non ?

J’ai ressenti une envie de francité. J’ai proposé à Publicis de créer une agence de marques. Au sein d’un groupe, je suis devenu entrepreneur où la pensée du président éclairait tous ceux qui l’écoutaient. J’y jouissais d’une liberté réelle et d’une sécurité stimulante, peut-être trop de confiance en soi aussi.

Cela m’a fait commettre des échecs sonores, c’était insensé de proposer à l’Afrique du Sud de se rebaptiser Mandeland en hommage à leur libérateur, pour gagner en notoriété positive, sans référence à une géographie coloniale : le comité sud-af’ a choisi de garder ses chaines occidentales. Peu après, tout a tourné vinaigre, je ratai tout ce que touchais. Mon associé bien avisé a proposé qu’on quitte le groupe en rachetant nos parts et vive la liberté !

C’est ainsi que Royalties est devenue indépendante.

Exactement. J’ai alors divisé mes résultats par deux. Un schisme s’est produit dans l’agence avec ceux qui ont voulu rester dans le grand groupe. Le problème des grandes équipes, c’est qu’elles comptent beaucoup plus d’apparatchiks que de personnalités libres. 

Malgré tout, nul n’est parfait. Quel type d’erreur avez-vous commis à vos débuts dans l’entrepreneuriat ?

La première erreur colossale, c’est d’accorder sa confiance trop vite. Celui à qui vous donnez-vous accorder cette confiance trop vite, il va la brûler. Qu’il soit collaborateur ou client, il ne va presque pas la comprendre, ça peut même le stresser. Dans une situation de start-up, vous devez faire vite. Mais si vous accordez vite la confiance et que vous n’avez pas les capacités pour voir si celui à qui vous l’a donnée va faire des erreurs ou pas, tout le monde va couler.

Et aujourd’hui, quels sont vos motifs de fierté en tant qu’entrepreneur indépendant ?

Animer une entreprise petite mais avec des clients internationaux

Gagner la confiance de clients chinois de Chine avec une équipe mixte, et garder ses clients sur plusieurs années. Être capable de servir de grosses machines internationales comme Worldline, Edenred, HSBC…

Servir des enseignes de commerçants, mon kif c’est Monsieur Bricolage !

Avoir gagné des marques britanniques, dans notre métier, c’est une autre fierté.

Et puis l’identité des Jeux Olympiques de Paris 2024, grâce à une équipe ecobranding qui a la foi dans ses engagements.

Et avoir voir scellé un pacte humain avec un associé solide, créatif talentueux et ombrageux

Quel est le poids économique de Royalties ?

Nous sommes entre 20 et 25 salariés. Notre chiffre d’affaires oscille entre 2.3 et 2.5 millions d’euros avec un résultat entre 400 000 et 600 000 euros, sauf l’année du Covid.

Quels conseils donneriez-vous à un.e entrepreneur.e qui souhaite se lancer ?

De bien choisir le nom de sa start-up : trop de start-up ont des noms sans intérêts, des identités sans âme, des communications sans force symbolique, des promesses creuses, sans aspérités, sans hasard, sans attitude et sans nouveaux comportement.

Au moindre conflit de concurrence, il manque de trait distinctif et baragouinent des âneries en bafouillant des histoires d’ADN et de valeurs éthiques bidons.

Or, tout nom porte une idée et une idée vous porte. Qui dit déficit de nom dit donc déficit de projet, déficit d’attraction collective et probablement déficit de durée.

L’entrepreneur est un créateur d’imaginaire.

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