Dans une start-up, « tout le monde doit savoir vendre »
Evelyne Platnic-Cohen, présidente de Booster Academy et coach à la BFM Académie, insiste sur l’importance pour les start-up de ne pas oublier… de bien savoir vendre leur innovation.
Pour être un bon vendeur, selon Evelyne Platnic-Cohen, « il n’y a pas de profil », mais de la méthodologie à apprendre. La présidente de Booster Academy (douze centres d’entraînements intensifs à la vente en France), également coach à la BFM Académie (le « The Voice » des start-up les plus prometteuses), livre son sentiment sur le degré de préparation des jeunes pousses innovantes à la commercialisation de leur objet connecté.
French IoT : Quelles sont les clés que les start-up doivent connaître pour bien vendre ?
Evelyne Platnic-Cohen : La première clé est d’ordre psychologique : les start-uppers doivent considérer qu’ils sont les premiers vendeurs de leur entreprise. Beaucoup d’entre eux sont dans le produit, dans l’innovation, et se disent que pour vendre, ils vont embaucher des commerciaux. Or les commerciaux ne réalisent, en moyenne, que 20% du chiffre d’affaires que fait le dirigeant.
Tout le sujet, c’est de faire monter les start-uppers en compétences sur la fonction commerciale de façon extrêmement rapide. Quitte à, parfois, faire du test and learn, c’est-à-dire tester le marché même si le produit n’est pas terminé pour continuer à apprendre. Il faut aller très vite là-dessus car on ne va pas attendre l’arrivée du premier client pendant 107 ans.
Fr.IoT : Pour ces jeunes entreprises de l’IoT, quel est le piège principal ?
E.P.-C. : C’est de penser que quelqu’un va faire le business à leur place. Si ils sont deux -et c’est de plus en plus le cas de la nouvelle génération-, l’erreur est de se dire que l’un va vendre pendant que le second fait autre chose. Malheureusement pour eux, quand on est dans une petite entreprise, tout le monde doit savoir vendre.
Les start-up d’aujourd’hui sont très matures mais elles ne sont pas mieux préparées à la fonction commerciale. On est en train d’en finir avec l’ère où on leur disait qu’il fallait à tout prix, d’abord, lever des fonds. La tendance désormais, c’est de leur dire qu’il faut d’abord aller chercher des clients.
Tant mieux car plus tôt on ira chercher des clients, moins on aura besoin de lever de fonds.
Fr.IoT : Les start-up ont-elles conscience de l’importance d’apprendre à bien vendre ?
E.P.-C. : Oui et non. Et ça ne s’apprend nulle part. Ils ont tous fait de grandes écoles, ils sont tous brillantissimes mais personne ne leur a jamais parlé de la vente. Le problème vient de là. La vente, comme le management d’ailleurs, ce sont des sujets très importants et si vous n’arrivez pas à acquérir de la méthodologie là-dessus…
Les Anglo-Saxons le savent très bien, tout ça est abordé très tôt à l’école chez eux, mais aussi chez les Allemands et les Japonais.
« Le marketing, ce n’est pas la vente »
Fr.IoT : Beaucoup de start-uppers sont pourtant issus de filières marketing ou d’écoles de commerce…
E.P.-C. : En réalité, il y a surtout beaucoup d’ingénieurs. Et puis ceux qui ont fait des écoles de commerce ont aussi fait souvent du marketing. Et le marketing, ce n’est pas la vente. Il a un rôle essentiel parce qu’il va permettre, notamment, d’utiliser des outils très complexes. Mais les écoles de commerce, aujourd’hui, ne forment pas assez à la vente.
Fr.IoT : Parlez-nous du rôle de la Booster Academy et de votre participation à la BFM Académie ?
E.P.-C. : Booster Academy, ce sont des centres d’entraînement intensifs à la vente. Vous entrez dans le centre et on va mesurer votre « niveau de vente » sur une grille de 1 à 12. Chacun va alors acheter les niveaux dont il a besoin pour devenir un vendeur d’élite.
La BFM Académie est une émission dans laquelle on va élire, en quelque sorte, « l’entrepreneur de l’année ». Elle donne une belle visibilité sur BFM Business -en B to B, généralement, on a donc sa cible qui écoute-. L’entrepreneur peut gagner pour 150 000 euros de publicité, ce qui n’est pas négligeable.
Il y a plusieurs coaches qui ont chacun leur spécialité -croissance, digital, communication…-. Pour ma part, je vais valider que j’ai un vrai commercial en face de moi.
Chacun va essayer de coacher ses poulains pendant des séquences de coaching pour qu’ils s’améliorent sur les sujets en question.
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Fr.IoT : Qu’est-ce qu’il faut pour vous séduire ?
E.P.-C. : Ce qui me séduit, c’est quand il y a l’idée et l’Homme qui va avec. Plein de ces choses qui font une histoire. Cette année, c’était le tour du coussin Viktor (imaginé par la start-up Fingertips, lauréat de la deuxième promotion French IoT, ndlr).
C’est un coussin qui permet aux personnes âgées d‘être un peu plus autonomes chez elles. Alain Tixier, le fondateur de la boîte, est quelqu’un d’hyper intéressant, qui a eu plusieurs vies.
Fr.IoT : Comment l’écosystème français de l’IoT va-t-il évoluer dans les années à venir ?
E.P.-C. : C’est difficile à dire. Les idées des start-up naissent aujourd’hui souvent à l’extérieur des grands comptes. Il est possible que, d’ici quinze à vingt ans, ces mêmes grands comptes créent l’écosystème pour penser et fabriquer ces idées de l’intérieur. C’est comme ça que je vois comment ça va se passer d’ici 15 à 20 ans.
Il restera tout de même des start-up à l’extérieur. La problématique à laquelle font face les grands comptes aujourd’hui, c’est qu’ils n’ont ni l’agilité, ni l’organisation, ni l’ADN qui fassent que ces idées proviennent de leurs collaborateurs.
Propos recueillis par Benjamin Hay – Illustration © snowing12 – Fotolia.com