Intelligence artificielle : où en est la France ?
Décryptage

Intelligence artificielle : où en est la France ?

Depuis le rapport sur l’intelligence artificielle (IA) livré par le mathématicien Cédric Villani au printemps 2018, de nombreuses études ciblent un retard de la France et de l’Europe dans le domaine. Qu’en est-il vraiment ? Comment combler ce retard ?

Difficultés à transformer les avancées scientifiques en applications industrielles, fuite des cerveaux à l’étranger… En 2018, le mathématicien Cédric Villani pointait déjà les lacunes françaises en matière d’IA dans son rapport Donner un sens à l’intelligence artificielle : pour une stratégie nationale et européenne. Un paradoxe, puisque ce même texte soulignait la grande capacité de recherche de la France en la matière.

En trois ans, les études se sont succédé pour soutenir l’idée que les écosystèmes français et européens ont pris un retard considérable sur les géants du secteur que sont les États-Unis et la Chine. La dernière publication du think tank américain Information Technology and Innovation Foundation (ITIF) tente d’apporter du crédit à ce constat. Sur la trentaine de critères établis par l’institut, les États-Unis mènent la danse avec 44,2 points, suivis par la Chine (32,3) et, bien plus loin, par l’Union européenne (23,5).

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Pour autant, si l’Europe semble à la traîne sur certains aspects, la qualité de ses publications de recherche la place toujours parmi les meilleurs. L’Union affirme également une stratégie alternative centrée sur l’humain avec, notamment, le lancement du projet de cloud européen Gaia-X en 2020.

Directeur stratégie cloud et IA chez Docaposte, Xavier Vaccari nous éclaire sur la place de l’intelligence artificielle dans l’écosystème français :

French IoT : Quel est votre rôle chez Docaposte ?

Xavier Vaccari : Mon activité se concentre sur deux segments. Le premier est la stratégie de l’entreprise en matière de cloud. Le second concerne la branche numérique du groupe La Poste (bNum) pour laquelle je suis en charge de commercialiser nos savoir-faire en matière d’intelligence artificielle, afin de valoriser notre expertise.

Le groupe dispose en effet d’une vraie force de frappe en la matière. L’acquisition récente du cabinet de conseil en big data et IA Open Value a encore renforcé cette démarche en créant un pôle de plus de 150 experts autour du sujet. Pour nous, la data est un relais de croissance majeur et notre objectif est de disposer, d’ici à 2025, de plus de 4 000 experts data et IA.

« L’intelligence artificielle est en train de se généraliser,

il faut rassurer les utilisateurs »

Fr.IoT : En quoi l’IA et le cloud servent la transformation numérique aujourd’hui ?

X.V. : D’abord, les deux sujets sont liés. Le cloud est un pivot incontournable pour les projets IA dans la mesure où il apporte de l’élasticité, de la capacité de calcul pour bien manipuler la data et entraîner les modèles. Le tout dans une démarche souveraine et éthique à laquelle le groupe La Poste est très attaché. Ainsi, tous nos serveurs sont hébergés en France et nous créons nos propres algorithmes. Pour une entreprise comme Docaposte, qui propose une sphère de confiance aux utilisateurs, l’IA joue donc un rôle d’accélérateur.

Cela va de la recherche opérationnelle afin d’optimiser les tournées logistiques et la livraison des colis, à la détection de fraudes dans le monde bancaire. Docaposte utilise par exemple la « computer vision », le traitement de données extraites d’images, afin de vérifier les documents d’identité ou d’authentifier les personnes à distance selon le référentiel ANSSI PVID (NDLR : Prestataire de Vérification d’Identité à Distance). Dans un autre domaine, nous travaillons aussi sur le langage naturel. Le chatbot RH La Poste utilisé par plus de 250 000 personnes au sein du groupe en constitue une application emblématique.

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Fr.IoT : On parle souvent d’un retard de l’Europe et de la France en matière d’IA par rapport aux grands acteurs (États-Unis, Chine). Avons-nous une place dans cet environnement ou une singularité qui nous démarque ?

X.V. : Les États-Unis et la Chine sont souvent mis en avant par rapport à la puissance de leurs infrastructures cloud. Cette capacité à déployer plus facilement les usages reste la différence principale par rapport à l’Europe et à la France. Pour le reste, et notamment au niveau algorithmique, nous n’avons pas à rougir de la comparaison.

Un laboratoire comme l’Inria, avec lequel La Poste développe un solide partenariat, contribue brillamment à la recherche dans le domaine. Sur la question du cloud, le projet européen Gaia-X va permettre à l’écosystème français et européen de bénéficier d’une plus grande agilité. Mais ce qui fait notre singularité, c’est surtout le cadre éthique que les instances européennes ont défini pour l’usage de la data. Sur ce point, Docaposte va plus loin.

Depuis 2016 nous disposons d’une charte data qui va être complétée, cette année, par une charte IA éthique. L’IA est en train de se généraliser, l’enjeu est donc de rassurer les utilisateurs en montrant que nous savons surveiller son comportement. Avec un objectif en tête : placer l’humain au centre de l’écosystème.


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