Start-up et réseaux sociaux : la « checklist »
Cyril Bladier, expert en stratégie digitale, distille quelques conseils précieux pour qu’une start-up puisse tirer profit des réseaux sociaux.
L’importance des réseaux sociaux dans le développement d’un business n’est pas quelque chose de nouveau. Cela fait déjà plusieurs années que les études se succèdent qui le démontrent. A la fin de l’été 2018, Hootsuite et Visionary Marketing avaient publié un document rapportant que 84% des 9 000 entreprises -de toutes tailles- sondées dans 20 pays affirmaient alors que « la présence de leur entreprise sur les médias sociaux est importante pour être compétitif ».
Enjeux principaux : développer la notoriété de sa marque, gérer sa réputation ou encore bâtir et gérer une communauté engagée. De quoi augmenter ses ventes -notamment en collectant des informations sur ses clients et/ou le marché- et, pourquoi pas, attirer de nouveaux profils à même de rejoindre l’entreprise.
En France, toujours selon le rapport Hootsuite/Visionary Marketing, c’est Facebook qui est le réseau privilégié par les entreprises, quelle que soit la taille de leur effectif, devant Twitter et Linkedin. Même trio gagnant pour les structures de moins de vingt salariés -dont font partie bon nombre de start-up-, qui utilisent toutefois un peu plus Facebook et un peu moins Twitter et Linkedin que la moyenne globale des entreprises françaises.
C’est dans ce contexte que Cyril Bladier, conseiller en stratégie digitale et directeur général de l’agence Business On Line, rappelle les quelques principes à garder en tête à l’heure d’établir une stratégie sur les réseaux sociaux.
L’erreur : penser « outil » avant « objectif »
« Ce qu’il faut surtout éviter -et c’est le défaut de beaucoup de start-up, explique Cyril Bladier, c’est de penser outil avant de penser objectif. » Selon lui, les réseaux sociaux « sont davantage des outils de communication et de notoriété que des outils de business ». Les « vues » sur une vidéo ou autres « likes » sur un post ne doivent pas éblouir le startupper : engagement ne signifie pas forcément décollage des affaires.
« Pour ne pas confondre outil et stratégie, il faut d’abord savoir ce que l’on veut faire sur les réseaux sociaux, quel message on veut envoyer et à qui, ensuite on verra si les relations publiques vont s’appuyer plutôt sur les réseaux sociaux, sur les rencontres dans les salons ou sur un site internet. »
A qui veut-on vendre ? A quel problème ma solution vient-elle répondre ? Ce sont en particulier à ces deux questions que l’on doit répondre avant de définir quels réseaux sociaux investir en priorité. Le conseil paraît évident, « mais on voit encore très souvent des entreprises -et pas que des start-up-, qui se disent qu’elles doivent aller sur Facebook ou Linkedin, rapporte Cyril Bladier. Mais pour y faire quoi ? Quand on creuse avec elles, on sent que la démarche répond plus à un effet de mode qu’à une réelle orientation stratégique ».
Quant aux réseaux sociaux professionnels, ils concentrent « une partie » de l’audience de la start-up. Attention toutefois, prévient Cyril Bladier, « à ne surtout pas se limiter à ce seul outil, car s’il y a des addicts, d’autres n’y viennent que de temps en temps ».
Communiquer sur le problème, plutôt que sur sa solution
L’erreur que commettent « 99% des start-up », selon l’expert, est « de communiquer sur une solution que personne ne connaît ». Donc, « que personne ne cherche ». « Il ne faut pas penser, d’abord, à la façon dont on va décrire les caractéristiques et les fonctionnalités de sa solution, mais plutôt à quel problème elle répond et comment on va l’expliquer, car l’internaute vient souvent sur les réseaux sociaux avec un problème. »
Cyril Bladier prend l’exemple d’iTunes : « Cela n’a pas détruit l’industrie musicale mais a résolu un problème, celui des gens qui en avaient assez de payer pour acheter un album dont ils n’écoutaient qu’un titre ou deux. Apple a réussi en communicant sur le problème et non pas sur la solution. »
Communauté et engagement : quelques ficelles pour commencer
Pour l’expert, le schéma est simple : « Il faut commencer par ses proches, les gens de sa promotion, ceux que l’on a croisé dans d’autres écoles ou dans un incubateur, non pas pour les toucher eux, mais pour toucher leur réseau. » Quitte à ne générer, au départ, que leurs encouragements. « Linkedin, par exemple, ne comprend pas ce que les gens écrivent, il comprend simplement que de l’engagement se crée. D’où l’intérêt, au début, de mobiliser ses amis pour qu’ils likent ou commentent les publications, cela aidera à développer de l’audience. »
D’où l’importance d’avoir un bon réseau de proches au départ, qui vont soutenir les publications voire déclencher des « polémiques ». « Il est bon de mobiliser des gens bavards sur un sujet, qui vont commenter, jeter un pavé dans la mare -pourquoi pas avec un ou deux alliés- et donc créer de l’engagement, confie Cyril Bladier. L’idéal étant alors de sponsoriser ce post dès son lancement pendant deux heures, car Linkedin compte l’engagement mais aussi la rapidité avec laquelle il se déclenche. »
Certains éléments font office d’indices : « Linkedin va davantage pousser ce qui vient d’un profil perso plutôt que d’une page entreprise et privilégier les posts sur les articles. » Quant au « timing parfait » pour poster, existe-t-il vraiment ? « Là encore, il faut faire des tests, tant cela est spécifique à chaque activité ou entreprise. Sur Linkedin, certains prétendent que le meilleur moment est le jeudi matin, à 9h, car 30% des gens sont présents. Ce qui signifie aussi que 70% n’y sont pas… »
Posts sponsorisés : un pari à tenter
Tous les « likes », commentaires et autres partages sont donc les bienvenus. Pour atteindre un gros niveau d’engagement, il faudra toutefois, sans doute, songer à passer aux options payantes. « Facebook ou Linkedin ont des solutions payantes qui aident à booster les pages, ils ne vont donc pas le faire naturellement, gratuitement, sans quoi ils mettraient la clé sous la porte », affirme Cyril Bladier.
D’où, selon lui, le recours aux posts « sponsorisés ». Avantage : il est possible de tester leur efficacité en engageant des sommes modestes (autour de cent euros sur quelques jours), afin de voir ce que cela donne. Et ce, à différentes heures, différents jours, sur différentes thématiques. « Si ça fonctionne, pourquoi ne pas essayer d’investir un peu plus la prochaine fois ? », ajoute l’expert. Dans tous les cas, il faut commencer par du « gratuit », afin d’avoir un élément de comparaison avec les effets d’un post payant.
Poster trop ou pas assez : où est le juste milieu ?
« Tout n’est qu’une question de pertinence », selon Cyril Bladier. Qui précise : « Michaël Aguilar (conférencier, conseiller en entreprises, NDLR) a dit un jour que le bon contenu est celui où ce que j’ai à dire va amuser, apprendre quelque chose ou faire réfléchir des gens. Sinon, je parle d’autre chose, ou je ne parle pas. »
Une occupation trop intense du « terrain » des réseaux sociaux risque d’entraîner une lassitude, imperceptible dans la mesure où Facebook, par exemple, permet de retirer les publications d’un compte de sa timeline sans que cela ne se sache.
Trop de posts ou pas assez, le juste milieu est compliqué à trouver. Question de dosage. Quoiqu’il en soit, pour Cyril Bladier, « le sujet, c’est vraiment de bien comprendre les besoins et les problèmes des gens que l’on veut toucher. Ce qui est très difficile. »
Le réseau social, un complément au site web
Les réseaux sociaux, chacun en convient, sont faciles d’accès et pas ou peu coûteux d’utilisation, selon les options choisies. Ils auraient presque « ringardisé » le site internet. Erreur, selon l’expert : « Aujourd’hui, la source majeure de trafic vers le site internet reste Google et non les réseaux sociaux, qui n’en captent qu’à peine 5%. Vous avez donc 95% du trafic qui n’y passe pas. »
D’autant que sur les réseaux sociaux, « vous naviguez à vue, sans savoir qui vient sur votre page, à défaut d’avoir un outil de tracking et d’analytics ». Le site web, il est vrai, permet la mise en place d’un formulaire, pour engranger des informations sur vos visiteurs et l’appui, notamment, d’outils comme Google Analytics. « Facebook est certes un peu moins limité que les autres réseaux sur ce point, mais il reste dommage d’investir du temps voire du budget dans un outil de marketing digital dont on ne peut rien mesurer, ce qui complique la mise en place de calls to action », ajoute Cyril Bladier.
Gérer un réseau social -comme un site web- est chronophage et pas toujours gage de réussite. Où le contact « direct » avec sa communauté nécessite, aussi, de savoir -et de prendre le temps !- de gérer d’éventuelles crises. L’expert assure ainsi que « parfois, on se gargarise de quelques exemples qui marchent, alors que la majorité n’en tire pas de grands résultats ».
Pourquoi ne pas, dans ce cas, voir les réseaux sociaux comme une « vitrine » pour rabattre simples curieux ou futurs clients vers un site plus complet ? Quitte à être présent, a minima, sur les principaux réseaux sociaux, pour occuper l’espace, « avec, à chaque fois, un lien qui mène vers le site internet ».
Benjamin Hay – Illustration © Production Perig – Fotolia.com