Portrait : Sophie Comte, Chuchoteuse de sens et conteuse numérique
Interview
Décryptage

Portrait : Sophie Comte, Chuchoteuse de sens et conteuse numérique

Il est des patronymes dont le son fait sens, et le sens s’accorde avec intelligence à l’activité professionnelle ou privée de leurs dépositaires. On les appelle des aptonymes, ce qui signifie et souligne la cohérence entre le nom et le métier de celui ou celle qui le porte. Il en va ainsi pour Sophie Comte, qui conte et raconte les belles histoires qu’elle écrit avec passion de sa plume numérique.

 

Bonjour, Sophie Comte, mais qui êtes-vous donc ?

Depuis une vingtaine d’années, j’assiste et participe aux changements qui accompagnent l’évolution du numérique. Je nourris et je me nourris de ce dynamisme incroyable dont la créativité se renouvelle régulièrement !
C’est ce qui m’a donné envie de créer tout d’abord une agence de création de contenu numérique, les Chuchoteuses, avec Aurore Bisicchia, mon associée co-fondatrice. Puis nous avons souhaité véhiculer notre vision et nos valeurs du web, et plus largement du numérique.

Cela s’est concrétisé avec Chut !, un magazine de société qui explore les grandes transformations induites par les technologies, avec ce qu’elles apportent de bon comme de moins bon.
Nous abordons pêle-mêle des sujets comme les fake news, le transhumanisme, le cyberharcèlement ou encore la mobilisation en ligne. Aujourd’hui nous lançons le n°3 qui interrogera le rapport du savoir et de la connaissance avec les technologies.
Apprend-on mieux grâce aux outils du numérique ? Ou à l’inverse, représentent-ils un danger pour la connaissance ?
La question est cruciale aujourd’hui, où, à l’heure du confinement, nous avons dû assurer le suivi pédagogique de nos enfants, jouer aux apprentis prof, et nous mettre une bonne fois pour toute au télétravail.
Une campagne de crowdfunding vient d’être lancée pour le financer. Elle est essentielle pour notre jeune média.

Vous êtes entourée d’une majorité de femmes, par hasard ou nécessité ?

(Rires) Beaucoup de hasard et peut-être un peu de nécessité, les femmes ont une approche différente et complémentaire ! Avec Chut ! nous avons par exemple une direction artistique très soignée, réalisée par une femme, Stéphanie Violo. Ce n’est évidemment pas un hasard. Nous avons observé que le monde des technologies est souvent représenté de façon froide, carrée, comme si la robotisation n’était pas compatible avec l’humain.
Notre constat, c’est que cette transformation technologique est avant tout humaine. C’est pourquoi nous avons voulu une direction artistique forte, vibrante, percutante. Or les médias et la tech sont des domaines largement dominés par les hommes. Les chiffres sont accablants. Seules 10% de femmes travaillent dans la tech. Est-ce pour cette raison qu’on observe une homogénéisation dans la façon de traiter les technologies ? Certainement.
Est-ce qu’avec Chut ! nous apportons une « touche féminine », et a fortiori féministe ? Assurément. Nous l’avons dit et écrit avec notre 1er numéro « La femme est l’avenir de la tech ».

Cet engagement va bien plus loin qu’une prise de parole. C’est un parallèle, un lieu et un lien de convergence que je reconnais avec les enjeux de la communauté French IoT : il ne suffit pas d’en parler, il faut agir, en initiant des projets, en suscitant des vocations, en accompagnant celles qui se projettent, en créant du lien entre les communautés.

Et pour être vraiment complète, c’est d’autant plus un hasard, que nous comptons Nykola et Thomas dans l’équipe. D’autres hommes, j’espère, viendront les rejoindre… au hasard des rencontres et des recrutements, sans que le genre soit un critère de sélection.
Il s’agit d’une forme de nécessité contre l’exclusion ET pour l’inclusion, un engagement pour et non contre, qui se joue avec toutes les bonnes volontés.

Quelle est votre vision de l’engagement dans l’entrepreneuriat au féminin ?

Je n’avais pas forcément envisagé de créer une entreprise, j’ai d’abord travaillé de façon indépendante, et l’ambition est arrivée progressivement. Petit à petit, j’ai appris à me faire confiance et aujourd’hui j’aime beaucoup ce mot d’ambition, que je vois plus comme une envie de se dépasser soi-même, que de dépasser les autres.
Malheureusement, les femmes s’autocensurent beaucoup et ce syndrome de l’imposteur est à mon sens tout à fait réel.
Il paraît d’ailleurs qu’il ne faut surtout pas dire aux femmes d’oser parce que cela ajoute de la pression à la charge mentale déjà forte. C’est en tout cas ce que me disait récemment Laure Castellazzi de Femmes@Numérique. Mais l’entrepreneuriat est une aventure absolument géniale, qui n’est pas toujours facile certes, mais très gratifiante, très enrichissante. Alors, si vous avez un projet, une idée, à défaut d’oser, dites-vous que vous allez essayer !

Étonnamment à l’ère du numérique, vous avez effectivement osé créer un magazine papier qui vous inscrit dans une longue tradition de la presse papier, quelle lignée vous inspire ?

A l’inverse de nombre de nos confrères dans les médias qui créent une agence pour accompagner le modèle économique de leur media, nous avons voulu après plusieurs années d’expérience en agence, créer notre propre magazine d’abord en ligne puis en version papier.
L’idée que l’on se fait des technologies est souvent associée au temps court, voire à l’instantanéité. Avec Chut ! nous éprouvons l’envie et le besoin de nous inscrire dans un temps long, qui ose la lenteur et s’enracine dans la prise de recul.

Cela peut paraitre paradoxal mais pour nous ça ne l’est pas ! Il faut peut-être cesser de diaboliser les technologies et trouver le juste équilibre entre notre vie en ligne et la vie réelle. Nous sommes même convaincues qu’il y a toujours un temps pour le papier, qui est celui de la réflexion. Des médias osent se lancer au format papier, Eric Fottorino a certainement ouvert la voie avec Zadig et Le 1. Ce sont des médias qui nous inspirent, parce qu’ils proposent une expérience de lecture incroyablement forte. Ce n’est donc pas une tradition mais un parti pris audacieux.

Cela ne nous empêche pas d’affectionner les supports audio et numériques ! et même de faire des passerelles entre les deux mondes. Nous avons par exemple travaillé sur l’audition comme vecteur de sens – à double sens, en créant des articles sonores, un format à mi-chemin entre le podcast et le livre audio. Comment mieux développer l’écoute et l’attention au numérique qu’en ajoutant du sens aux cinq sens qui nous gouvernent ?

Merci Sophie Comte, bons vents pour votre nouvelle traversée toute en élégance, noblesse oblige ! 🙂

Découvrir Chut : https://chut.media/ 
Retrouver les Chuchoteuses : https://leschuchoteuses.fr/
Participer à la campagne Va, vis, et apprends : https://www.kisskissbankbank.com/fr/projects/chut-magazine-preventes-numero-3

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