Médecine à distance, jusqu’où aller très loin ?
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Médecine à distance, jusqu’où aller très loin ?

Cela en étonnera sans doute certain(e)s, mais en réalité, la télé-médecine, ou médecine à distance, existe depuis plus d’une trentaine d’années, avec en 1989, et c’est un acte pionnier français, la création de l’Institut Européen de la Télémédecine.

Depuis, le développement de la médecine à distance s’est construit par étapes, lentement mais sûrement, parfois par à-coups, notamment grâce aux innovations technologiques. L’effet le plus visible s’est concentré autour de la téléconsultation, la consultation à distance.

La téléconsultation, face émergée de l’iceberg

Arrêtons nous sur une date charnière, août 2019 : quelques 31 610 télé-consultations ont été remboursées par l’Assurance Maladie, et près 2 000 médecins avaient alors adopté la possibilité de proposer à leurs patients une téléconsultation.

C’était néanmoins très loin de l’objectif initial de 500 000 consultations à distance la première année !

La montée en puissance devait donc se  poursuivre à un rythme de croisière plus lent que prévu quand soudain… la pandémie Covid 19 et son corollaire, la crise sanitaire, se déclenchent en mars 2020. Depuis, les bouleversements s’opèrent rapidement.

Le principal, et non des moindres, adresse le remboursement de la téléconsultation.

Depuis mars dernier, un décret officialise le remboursement à 100% par l’Assurance-maladie de la téléconsultation en supprimant l’obligation de la visite préalable, a donné le coup d’envoi à l’adoption généralisée de l’usage en ouvrant la possibilité d’expérimenter à grande échelle et de tirer des leçons sur un temps court.

Les résultats sont frappants : le nombre de consultations a explosé. Si l’assurance maladie comptabilisait moins de 10 000 télé-consultations par semaine jusque début mars, elle en a recensé 80 000 lors de la première semaine de confinement. Une augmentation qui s’est accentuée la dernière semaine de mars avec au total 486 369 télé-consultations facturées. Début avril, la tendance s’est encore accélérée franchissant largement la barre des 15 % des consultations, quand elle était inférieure à 1 % avant le début de la crise sanitaire.

Quelles leçons tirer de cette période inédite ?

Tout d’abord de vrais avantages ! L’accélération exponentielle de la téléconsultation a bien permis de limiter l’afflux de patients vers les hôpitaux et a maintenu les patients en confinement.

Les médecins généralistes se sont massivement inscrits sur différentes plateformes de téléconsultation qui ont mis gratuitement leur service à disposition pendant la durée de la crise.

L’adoption a donc été massive aussi bien côté patient que médecin.

De plus, le suivi à distance des patients s’est avéré particulièrement efficace dans le cas de maladies chroniques (diabète, insuffisance cardiaque, insuffisance rénale, cancers etc) durant le confinement, permettant de réguler à la marge la disparition quasi totale des consultations en cabinet ou à l’hôpital durant toute la durée du confinement.

Enfin, le suivi à distance s’est également exprimé de façon particulièrement efficace sur les personnes contaminées par le coronavirus mais ne nécessitant pas de prise en charge lourde.

La télésurveillance s’est imposée et a accéléré l’usage de la télé-médecine dans ce cas précis de pandémie, complétant utilement les autres dispositifs de surveillance et de prise en charge.

 

Parallèlement, des freins à l’adoption ont émergé. Tout d’abord chez certains patients ne sachant pas mettre de mots sur leurs maux, la télé-médecine atteint concrètement ses limites. La sécurisation, le stockage et le partage des données des patients progressent via le Dossier Médical Partagé (DMP) mais restent un point de vigilance qui freine parfois encore le recours plus massif à la médecine à distance. Aussi, chez les professionnels de santé qui n’ont pas été spécifiquement formés à la télé-médecine, ni pendant leurs études, ni ultérieurement, certains abandonnent rapidement si rien n’est fait pour faciliter leur tâche. Enfin d’un point de vue organisationnel, la complexité de la coexistence d’une multitude de plateformes publiques et privées sans inter-opérabilité entre elles, et qui sont encadrées par plusieurs instances allant du Ministère aux Agences Régionales de Santé en passant par la Caisse Nationale d’Assurance Maladie peut rendre la généralisation plus lente.

 

Avec l’écosystème grandissant de startup innovantes dans ce secteur (AvecMonDoc,  DocteurSécu, Doctolib, HelloCare, Qare, etc.) mais aussi l’arrivée proche de la 5G, le vieillissement de la population ou encore la démocratisation du smartphone et des dispositifs médicaux connectés, il y a fort à parier que les leviers sont à portée de main et que la tendance ne pourra que s’accentuer !

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Docteur, c’est quoi la télé-médecine ?

La télé médecine ou médecine à distance prend des formes très variées. Sa définition est encadrée par la loi du 21 juillet 2009, dite loi HPST, portant réforme de l’hôpital, et relative aux patients, à la santé et aux territoires.

Le terme générique désigne en fait la pratique de la médecine à distance via l’usage des technologies de l’information et de la communication. Il définit 5 types d’actes : la télé-assistance, la téléconsultation, la télésurveillance, la télé-expertise, et la régulation médicale.

Et quand on sait qu’en France il y a  près de 10% de médecins généralistes de moins qu’il y a dix ans, et que près de la moitié de ces médecins, très inégalement répartis sur le territoire, ont plus de 55 ans, il est très clair que la télé-médecine est une opportunité bénéfique, notamment pour les zones rurales.
De quoi résoudre le casse-tête du système de santé Français ![/dt_quote]

 

[dt_highlight color= » » text_color= » » bg_color= » »][/dt_highlight] Le pivot de mars 2020

Jusqu’en mars 2020, la France a ceci de particulier qu’elle bénéficie d’une offre de télé médecine fragmentée et sous-utilisée, contrairement par exemple à des pays pionniers comme le Canada ou certains pays d’Europe du Nord. Elle est essentiellement pensée pour le suivi de maladies chroniques et pour pallier le manque dans les déserts médicaux. Avec la crise sanitaire de la Covid19, l’objectif se déplace vers une double obligation :

  1. Contribuer à limiter l’afflux de patients vers l’hôpital : en mauvais français « flattening the curve » aplatir la courbe, c’est à dire contribuer par tous les moyens à retarder le moment où les patients se rendent à l’hôpital et n’y envoyer que ceux qui le nécessitent vraiment.
  2. Participer à respecter les règles de confinement et de distanciation sociale.

Image par StockSnap de Pixabay

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