Comment maîtriser l’art du pitch « à l’américaine »
CES 2018
Portraits start-up

Comment maîtriser l’art du pitch « à l’américaine »

Le CES de Las Vegas approche à grands pas. Sur place, les start-uppers auront peu de temps pour convaincre les nombreux visiteurs de leur stand. Le pitch « à l’américaine » va peut-être les y aider.

On a coutume de dire que le temps, « c’est de l’argent ». Ce qui est une réalité pour toute jeune entreprise fera encore davantage sens début janvier, dans les allées du CES de Las Vegas. Les start-uppers n’y disposeront en effet que de quelques minutes, tout au plus, pour convaincre leurs interlocuteurs de la pertinence du projet qu’ils portent.

Quelques minutes, c’est déjà trop pour Christian Pineau, président d’International Boost, une structure qui aide les entreprises innovantes à conquérir de nouveaux marchés, aux Etats-Unis, en Chine comme en Afrique.

Lui compte en secondes le temps que les jeunes entrepreneurs auront pour expliquer leur projet, son utilité, sa valeur ajoutée. Une sacrée équation à laquelle la méthode du pitch « à l’américaine » doit pouvoir répondre.

French IoT : En quoi consiste le pitch « à l’américaine » ?

Christian Pineau : C’est une manière cohérente, sympa et en même temps presque superlative de présenter son projet. Où il est important de ne pas avoir peur de se mettre en avant, d’être quasi-« survendeur ».

Il y a pour cela une méthodologie, qui induit d’être pragmatique, d’être très carré et très organisé. Cela de sorte à avoir un speech qui puisse s’adresser à plusieurs types d’interlocuteurs susceptibles de venir à notre stand ou d’être croisées aux soirées organisées dans le cadre d’un évènement. Qu’il s’agisse de partenaires stratégiques, de clients potentiels, d’investisseurs, de distributeurs…

On présente la moelle de son projet de manière très dynamique, très yes we can, en utilisant des superlatifs pour dire qu’on est le meilleur. Les Français sont introvertis et n’osent pas trop. Les Américains, eux, n’hésitent pas.

Et le tout doit tenir en quinze à trente secondes.

Fr.IoT : Comment parvenir à dire beaucoup en aussi peu de temps ?

C.P. : Il faut suivre une règle, qui est celle des « 9C ». C’est-à-dire qu’il faut être concis -ne pas être long-, être clair -avoir un message compréhensible de tous, sans acronyme ni éléments techniques-, être compelling (« irrésistible » en anglais, ndlr), raconter une histoire simplement et sobrement qui va permettre à la personne qui vous fait face de vous poser les bonnes questions.

C’est aussi être crédible -si on dit qu’on est les meilleurs, dire ce qui nous différencie des autres-, être conceptuel -ne pas trop détailler-, être concret, penser customise -personnaliser son discours en fonction de son interlocuteur-. Il faut enfin être consistant -on délivre toujours un message de fond sur le cœur du projet- et conversationnel -le pitch doit être le démarrage d’une conversation avec la personne-. D’ailleurs, dans l’idéal, cela se termine par une ouverture, du type « êtes-vous intéressé ? ».

Il ne faut pas oublier que lorsque les gens vous demandent ce que vous faites, en réalité, ils vous demandent ce que vous pouvez faire pour eux.

« Toujours laisser la porte ouverte à son interlocuteur »

Fr.IoT : Pourquoi est-il important de maîtriser cette méthode ?

C.P. : Parce ce que très souvent, lorsque les start-uppers vont sur des salons, ils ne se préoccupent pas d’avoir un pitch court. Il n’y a pas toujours, en effet, 300 000 personnes qui se bousculent à leur stand. A Las Vegas, ce sont 200 000 visiteurs qui défilent chaque jour dans les allées. On n’a pas le temps d’y raconter son histoire pendant quinze minutes.

Fr.IoT : Certains ont d’excellents projets mais sont timides. Quels conseils leur donneriez-vous ?

C.P. : De toujours avoir des phrases-clés à retenir. De se mettre à la place de l’autre en fonction de ses « origines » -nationalité, fonction, secteur industriel…- et de garder en tête qu’on est là pour délivrer la solution à un problème.

Etre, de manière générale, enthousiaste, punchy et dynamique, avoir confiance en soi et toujours laisser la porte ouverte à son interlocuteur.

Il faut répéter des dizaines de fois le message vienne automatiquement. Si l’on n’est pas bon en anglais, le faire avec quelqu’un qui l’est et qui corrigera, notamment, les erreurs de prononciation ou le côté « mécanique » de votre phrasé.

C’est aussi faire les bons choix : si l’on voit que la personne en face de nous n’est pas « qualifiée », on prend sa carte de visite pour revenir vers elle plus tard, sans perdre de temps.

Fr.IoT : Quelles sont les principales erreurs à éviter lorsque l’on présente son projet sur un salon comme le CES ?

C.P. : Parler trop vite, déjà. L’erreur, c’est aussi de ne pas remettre son pitch en question. Sur un salon, certains comprennent que leur pitch ne marche pas bien. Mais, à défaut de savoir l’améliorer, ils font avec, en se disant que ça fera à peu près l’affaire.

Sans parler de ceux qui vont au CES sans cartes de visites ou avec 100 cartes pour quatre jours, alors qu’ils vont voir entre 300 et 500 personnes.

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« Être un caméléon »

Fr.IoT : Vous disiez en début d’entretien que les Français étaient « introvertis ». Sont-ils toutefois en progression ?

C.P. : Il est vrai que nous sommes meilleurs sur la technique. En marketing, il reste des progrès à faire mais ça vient. Les Français se sont d’ailleurs beaucoup améliorés ces cinq dernières années sur l’approche commerciale, grâce aux nombreux coachings, programmes et accélérateurs qui existent désormais.

Fr.IoT : N’y-a-t-il pas un petit côté « théâtral » à une telle présentation ?

C.P. : La vente, de toute façon, c’est théâtral. Vous êtes dans le rôle de celui qui est là en train de dire qu’il est le meilleur et pourquoi il faut acheter son produit.

Ce qui implique d’avoir toujours le sourire et d’être très « caméléon ». A vous de voir si vous pouvez « foncer dans le tas » en fonction du tempérament de la personne qui vous fait face.

Maintenant, si on ne se sent vraiment pas capable, il faut que quelqu’un d’autre sur le stand puisse endosser le rôle. Il faut avoir une petite fibre commerciale, ce qui n’est pas inné. C’est d’ailleurs pour cela que nous proposons, sur le CES, l’aide de commerciaux américains qui peuvent parfaitement faire l’affaire.

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Propos recueillis par Benjamin Hay – Illustration Pixabay.com

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