Le design, facteur clé des objets connectés ?
Les projets en matière d’objets connectés ne cessent de se développer en France.
Pour se démarquer et séduire un public large, ces produits nouveaux pour le consommateur doivent être pensés pour un usage optimal.
Les objets connectés sont appelés toujours plus à intégrer notre quotidien. Pour faire face à la concurrence et séduire un consommateur parfois frileux face aux nouvelles technologies, les fabricants doivent d’abord penser à l’usage auquel leur futur produit se destine. Ce à quoi le design peut contribuer. C’est ce qu’explique Pierre Garner, cofondateur d’Elium Studio, à l’origine -notamment- du design des produits Withings.
French IoT : En quoi le design est-il important pour la conception d’un objet connecté ?
Pierre Garner : Il y a plusieurs aspects à prendre en compte lorsque l’on veut développer un objet connecté. Des aspects qui sont liés aux nouveaux services et aux nouveaux usages que l’on veut créer. Le rôle du design est d’arriver, justement, à donner une visibilité au consommateur, à lui donner des repères sur ces nouveaux services pour qu’il puisse s’approprier le produit. Les objets connectés sont souvent des produits compliqués. Le design les simplifie, de sorte à ce que la technologie soit au service de l’usage. C’est une démarche globale qui vaut pour tous les types d’objets connectés.
Fr.IoT : Est-il plus important pour un objet connecté que pour d’autres catégories de produits ?
P.G. : Il l’est pour toutes les catégories de produits. Que l’on parle d’un meuble ou d’un objet connecté, les acheteurs sont potentiellement les mêmes. L’utilisation de l’objet connecté, en revanche, rapproche le consommateur du produit. Dans le cas d’un wearable, par exemple, il y a une dimension liée à l’image que l’on veut véhiculer, puisqu’on le porte tout le temps. Il y a aussi une relation émotionnelle, dans la mesure où certains objets connectés collectent des données personnelles.
Fr.IoT : Est-il plus difficile de designer un objet connecté ?
P.G. : Oui, mais c’est justement parce que c’est plus compliqué que c’est plus intéressant. Un objet connecté va, souvent, proposer de nouveaux services sans qu’il n’y ait de références. Sur une cafetière, il n’y a pas de codes à inventer : ça existe, on a déjà une idée de la technologie nécessaire et du prix auquel on va la vendre. Un tracker d’activité peut, lui, être développé sous la forme d’une ceinture, d’une semelle…
Fr.IoT : Les objets connectés succèdent à d’autres « nouvelles » technologies. Le design a-t-il pris de l’importance d’une génération de produits à l’autre ?
P.G. : Pendant très longtemps, le design n’intervenait qu’à la fin du processus de développement d’un produit. A la fin des années 1990, le moteur de tout nouveau produit qui sortait, c’était la technologie. D’une publicité pour un ordinateur, on ne retenait que la puissance du processeur ou de la carte graphique. Pareil pour une télévision.
Aujourd’hui, c’est l’usage qui est le moteur, la technologie vient en deuxième. Et cette sensibilité au design se diffuse maintenant sur les objets connectés.
Fr.IoT : D’où vient cette rupture ?
P.G. : Il fallait, à l’époque, donner un sens à cette abondance de technologie. Apple y a beaucoup contribué. Le meilleur exemple, c’est l’iPod : le mp3, existait déjà, ils n’ont rien inventé. L’intelligence d’Apple a simplement été de créer une interface qui a repensé l’usage du lecteur mp3.
Fr.IoT : Les start-up ont-elles conscience de l’importance du design pour leur objet connecté ?
P.G. : Oui, car les start-up sont souvent fondées par des ingénieurs qui savent qu’ils auront plus de mal à communiquer sur un produit non designé. Beaucoup viennent donc nous voir très tôt. Certaines, comme Withings, avec qui nous travaillons, ont toujours eu cet élément en tête.
Fr.IoT : Quels conseils donneriez-vous à de jeunes entrepreneurs de l’IoT ?
P.G. : Ils doivent d’abord s’interroger sur l’usage qui va être fait de leur produit et travailler le plus tôt possible avec un designer. Les start-up sont souvent créées par de ‘vrais’ entrepreneurs, qui sont très dynamiques et ont beaucoup d’idées, sortis d’école d’ingénieurs pour certains. Il ne faut pas qu’ils oublient qu’il ne s’agit pas de connecter un produit pour le connecter. Personne ne se lève le matin en se disant ‘je vais acheter un objet connecté aujourd’hui’. Il faut bien définir le produit et le service qu’il rend, savoir à qui on s’adresse et là, le designer peut aider.
Propos recueillis par Benjamin Hay
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