Le Covid a-t-il amplifié la fracture numérique ?
La nécessité d’avoir recours aux technologies connectées pendant le confinement a donné un coup d’accélérateur aux pratiques numériques comme le télétravail ou la téléconsultation. Revers de la médaille : si ces outils deviennent indispensables, la fracture entre ceux qui y ont un accès facile et la part de la population qui ne les maîtrise pas grandit.
Selon l’Insee, en 2019, 12% des Français de plus de 15 ans ne disposaient d’aucun équipement pour accéder à Internet. Or, la crise sanitaire du COVID-19 a démontré la nécessité de posséder un ordinateur et une connexion internet, afin d’éviter l’isolement. À cette problématique s’ajoutent celles de la maîtrise des technologies digitales, mais aussi de l’accès au réseau dans certaines zones du territoire. Voici quelques-uns des chantiers primordiaux que la pandémie a mis en lumière.
Un dernier sprint pour le haut débit
Depuis 2013, le gouvernement a lancé un plan France Très Haut Débit (THD), autour d’un objectif ambitieux : l’accès au très haut débit pour tous à l’horizon 2022, grâce au déploiement du réseau fibre optique (80% de la couverture). La crise ayant donné un coup d’arrêt à ces grands travaux, l’objectif s’est un peu éloigné. Le rapport 2020 de l’Observatoire France THD faisait même état d’une perspective de trois millions de prises sans financement à terme.
>>> Lire aussi : Inclusion numérique, l’urgence d’agir !
Pourtant, un premier rapport d’évaluation de ce plan avançait, en août 2020, que l’arrivée du haut débit réduisait sensiblement les inégalités avec une hausse potentielle de 1,4% du revenu des ménages. L’État a donc investi 570 millions d’euros au mois de janvier pour atteindre les objectifs du plan et déployer le réseau fibre sur l’ensemble du territoire d’ici 2025.
Des nuances d’illectronisme
À l’instar de l’illettrisme, l’illectronisme désigne une incapacité à utiliser les outils digitaux. Ce mal qui touche près de 13 millions de Français (soit environ 17% de la population selon l’Insee) s’avère d’autant plus clivant que la plupart des démarches administratives sont aujourd’hui dématérialisées. La pandémie a paradoxalement permis de briser quelques idées reçues sur ce problème qui touche les jeunes autant que leurs aînés.
À l’aise avec des applications ludiques et sur les réseaux sociaux, les adolescents le sont nettement moins avec d’autres plus basiques comme les gestionnaires de messagerie, les moteurs de recherche ou les traitements de texte. Il s’agit donc d’un enjeu de compétences, avec des facteurs discriminants comme le niveau d’études et la classe sociale. Les structures modèles comme Emmaüs Connect ou, plus localement, La Quincaillerie numérique (à Guéret) fonctionnent déjà pour favoriser l’inclusion numérique. Dans le cadre de son plan de relance, le gouvernement a, quant à lui, débloqué 250 millions d’euros pour accélérer dans ce domaine à travers, notamment, l’embauche de 4 000 conseillers.
Vers une adoption « hybride » du télétravail ?
Annoncée depuis plusieurs années, la vague du télétravail a été considérablement amplifiée par la crise sanitaire. Non sans une certaine désorganisation et la révélation de plusieurs freins. Travailler depuis chez soi n’est en effet pas toujours évident lorsqu’on vit dans un logement exigu ou que l’on ne dispose d’aucun moyen de faire garder les enfants. À la clé : du stress, du surmenage et des difficultés à faire valoir son droit à la « déconnexion ».
Cette nouvelle manière de travailler continue néanmoins de s’installer et de satisfaire salariés et dirigeants. C’est en tout cas ce que montrent différentes études, comme le Baromètre Télétravail (CSA / Malakoff Humanis) selon lequel 86% des télétravailleurs souhaitent poursuivre quelques jours par semaine. Le résultat de l’expérience accumulée et des différentes bonnes pratiques transmises, entre autres, par l’Accord national interprofessionnel (ANI) pour une mise en œuvre réussie du télétravail, adopté fin 2020. De quoi dessiner un avenir du travail hybride, où les salariés alterneront distanciel et présentiel selon leurs besoins.
Éducation et e-Santé : deux exemples contrastés
Les domaines de l’éducation et de la santé cristallisent les enjeux d’équipements et de compétences. Lors du premier confinement, le lancement du dispositif « l’école à la maison » a montré combien l’adoption du numérique dans ce domaine pouvait augmenter les inégalités sociales. L’Unesco a même pointé une fracture préoccupante avec 826 millions d’élèves sans ordinateur et 706 millions sans connexion internet, laissés sur le bas-côté. Sans parler de ceux qui, faute de compétences suffisantes autour d’eux, n’ont pu accéder aux contenus proposés.
Même constat, ou presque, du côté de la téléconsultation et de la prise de rendez-vous pour les vaccins qui ont montré les limites du dispositif quand il s’agit de s’adresser à une partie de la population (les personnes âgées) qui n’a pas accès à internet. Fort de ce constat, le Conseil numérique en santé (CNS) s’est doté dès le printemps 2020 d’un groupe de travail « Fractures numériques » afin de mettre en place un outil dynamique de cartographie des inégalités et des dispositifs à mettre en place. Preuve s’il en est que si la crise sanitaire accroit les problématiques d’inégalités, elle peut aussi amplifier la rapidité des réponses.
French IoT – Illustration Shutterstock.com