Le collaboratif pour répertorier les obstacles en ville
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Le collaboratif pour répertorier les obstacles en ville

La start-up Streetco mise sur sa communauté de contributeurs pour alimenter son appli des nombreux obstacles dont recèlent les rues de nos villes.

Toute un mouvement collaboratif s’est diffusé ces dernières années, grâce au numérique, auprès de consommateurs qui sont d’abord des citoyens. C’est sur cet élan que misent Arthur Alba et Cyril Koslowski.

C’est après un accident -léger- en 2015 et quelques semaines avec des béquilles qu’Arthur Alba a réalisé les difficultés à se déplacer en ville pour les personnes à mobilité réduite, des handicapés aux parents avec une poussette. Trottoirs étroits ou abîmés, travaux, poubelles mal placées, pentes raides ou rues pavées sont autant d’embûches sur ce que le jeune homme compare à « un circuit de Mario Kart ».

L’appli Streetco est ainsi née : chaque membre y signale, en temps réel, les difficultés observées dans les rues (photo et commentaire à l’appui). L’utilisateur peut donc prévoir son trajet et prendre ses dispositions face à autant de situations imprévues.

Près de 70 000 obstacles sont ainsi recensés dans plusieurs grandes villes de France et même dans le monde, via les utilisateurs en voyage.

Rencontre avec un dirigeant dont la start-up est lauréate du concours French IoT 2018 :

French IoT : Pour juger de l’intérêt à lancer Streetco, de quels constats êtes-vous partis ?

Arthur Alba : Avec Cyril, nous nous sommes lancés dans des études de marché, nous avons interrogé des gens… On s’est aperçus que ceux qui avaient du mal à se déplacer faisaient souvent le deuil du voyage, car ils avaient peur d’aller dans une ville qu’ils ne connaissaient pas sans être accompagné.

Beaucoup utilisaient Google Street View. Ils y passaient deux heures pour regarder l’état des trottoirs sur leur trajet. C’est tout cela qui nous a poussé à créer un GPS type Waze, qui permet aux gens d’éviter les obstacles disséminés dans nos villes et leur indiquer les lieux accessibles aux personnes à la mobilité réduite -commerces, places de parking, toilettes, arrêts de transports en commun…-.

Le tout via une communauté de streeters qui signalent les obstacles. Le tout est publié sur une carte afin de proposer l’itinéraire le plus confortable.

« Créer du lien social »

Fr.IoT : Le collaboratif se développe beaucoup mais y’a-t-il vraiment assez de gens prêts à participer pour que le service soit complet ?

A.A : On voit bien le nombre de projets de ce type qui émergent. La communauté est un moyen rapide de créer de la donnée, tellement efficace que les projets sont très nombreux et inondent les gens. D’où une concurrence très forte sur le secteur du social.

C’est toute l’importance pour nous du programme French IoT, avec notre boîtier connecté qui, installé sur le chariot des postiers, permettrait de récolter des données sur la voirie. La communauté ça marche, mais ça met du temps à se mettre en place. Il faut donc, en parallèle, se lancer sur d’autres innovations.

Nous en sommes encore au stade du prototype mais le boîtier sait déjà calculer le degré d’inclinaison d’une rue en pente ou identifier les vibrations lorsque l’on marche sur tel ou tel trottoir. Il y a donc un bel avantage à l’installer sur des objets roulants, comme le chariot des postiers, qui parcourent presque tous les trottoirs. Toutes les données récoltées viendront compléter celles de la communauté pour un service le plus complet possible.

Fr.IoT : Une start-up peut-elle espérer tenir, sur le long terme, avec un modèle collaboratif (l’appli est gratuite, ndlr) ?

A.A. : Nous sommes en ce moment sur une phase de développement commercial qui est très bonne. Partis de deux personnes, nous serons bientôt huit. Mais on ne se leurre pas : si un jour, on arrive à cartographier 100% des rues, le challenge que nous proposons ne sera plus viable.

Il faudra alors faire pivoter notre business model ou trouver d’autres données à collecter. Ou monétiser notre communauté si elle est assez importante -via des publicités, petites bannières ou des produits qui ont du sens…-.

Aujourd’hui, nous nous finançons grâce aux concours que nous gagnons. French IoT est le seizième que nous remportons en deux ans ! L’autre source de revenus, ce sont les partenariats noués avec certaines villes -Puteaux, Levallois…-.

En vidéo : « Une minute pour découvrir Streetco »

Fr.IoT : Le collaboratif n’est donc pas un simple effet de mode ?

A.A. : Non. Voilà deux ans que le projet existe et on ne voit pas quelle solution aurait pu remplacer la communauté. Le boîtier connecté ne peut pas récolter autant de types de données, on n’aurait pas pu le lancer seul.

Le projet est aussi plus valorisant parce que la communauté contribue à créer du lien social, ce qui est l’une de nos ambitions.

« 100% des piétons deviennent un jour

des personnes à mobilité réduite »

Fr.IoT : Pourtant, chaque membre envoie ses constations de son côté. Comment Streetco peut-elle « créer du lien social » ?

A.A. : De deux façons. D’abord, nous avons lancé il y a quelques mois, en partenariat avec l’APF France Handicap, des parcours Streetco où les gens se retrouvent par équipes de deux ou trois pour parcourir un quartier et recenser les obstacles. Chacun fait sa zone pendant 1h/1h30 et tout le monde débriefe ensuite.

Nous avons aussi mis en place des challenges pour les entreprises avec un but précis : que Streetco soit également un outil de sensibilisation pour les personnes valides. Que chacun sache qu’il se retrouvera un jour concerné par les problèmes d’accessibilité et pas seulement par le handicap mais aussi en étant plus âgé, en tombant enceinte… 100% des piétons sont un jour des personnes à mobilités réduite.

En entreprise, on propose donc deux semaines de challenge au cours desquelles les collaborateurs vont signaler des obstacles dans les rues qu’ils empruntent. Un classement interne avec des points est établi, qui récompense chaque mois les cinquante utilisateurs qui ont fait le plus de signalements. Grâce à des partenariats avec Gaumont et L’Oréal, nous pouvons leur offrir une petite récompense.

Fr.IoT : Peut-on dire que Streetco contribue à rendre la ville « intelligente » ?

A.A. : Totalement ! Ce qui amène à faire un parallèle avec notre troisième source de revenus, l’offre pour les villes. Nous proposons de mettre à leur disposition les données que nous collectons, via un logiciel qui va regrouper tous les obstacles mis à jour par la communauté.

C’est plus efficace qu’un bureau d’études et cela permet à l’élu ou aux services techniques d’avoir un aperçu en temps réel d’éventuels problèmes sur la voirie et des actions à mettre en œuvre en priorité : des pavés à remettre en place, un poteau à redresser… Nous voulons aider les villes à mener des actions de terrain efficaces.

Fr.IoT : Quelles seront les prochaines étapes du développement de Streetco ?

A.A. : Nous travaillons sur une version Web et sur une version multilingue de l’appli, car on commence à avoir de plus en plus de demandes de l’étranger. L’anglais, au moins, est prévu pour le CES, où nous iront avec La Poste, début janvier.

Propos recueillis par Benjamin Hay – Illustration Pixabay.com

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