La réalité mixte peut-elle supplanter VR et AR ?
À la croisée des chemins entre réalité virtuelle et réalité augmentée, la réalité mixte ou hybride est souvent confondue avec ces deux dernières, voire méconnue du grand public. Pourtant, ses multiples champs d’application possibles (industrie, santé, divertissement, etc.) tout comme les possibilités qu’elle offre en font une des technologies les plus prometteuses pour l’avenir, si certains leviers se déverrouillent.
Selon une étude publiée en 2019 par l’institut Juniper Research, le marché de la réalité mixte (MR) devrait dépasser les 43 milliards de dollars en 2024. Un chiffre d’autant plus impressionnant que sa valeur n’était estimée qu’à 8 milliards au moment de la publication du rapport. De telles projections en disent long sur le potentiel de ce secteur encore en recul par rapport à ceux de la réalité augmentée (AR) ou de la réalité virtuelle (VR), déjà bien implantée, notamment grâce au jeu vidéo.
La raison est à chercher autant du côté de l’essor programmé des infrastructures technologiques (la 5G et le edge computing) rendant possible le développement d’applications MR, que des outils spécifiques (lunettes, casques, etc.) qui deviennent progressivement accessibles. Surtout : en opérant à la frontière de la VR et de l’AR, la réalité mixte ne s’adresse pas seulement à un public avide de divertissement. Elle multiplie également les possibilités d’applications concrètes dans un grand nombre de domaines professionnels.
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VR, AR et MR : quelles différences ?
Pour bien saisir le potentiel de la réalité mixte, il faut d’abord comprendre ce qui la différencie de ces deux technologies « sœurs » : la réalité virtuelle et la réalité augmentée. La VR consiste à placer le spectateur dans un monde virtuel, totalement indépendant du réel. Dans cet univers factice, le spectateur peut manipuler les éléments du décor. À l’autre extrémité du spectre, la réalité augmentée opère sur le réel. Cette technologie consiste à approfondir notre réalité, en lui ajoutant une dimension supplémentaire. La plupart du temps, il s’agit de données, d’informations en 2D ou en 3D qui apparaissent sur l’écran des lunettes de l’utilisateur, sans qu’il puisse à aucun moment interagir avec cette couche visuelle.
La réalité mixte constitue à la fois une fusion et un dépassement de ces deux technologies. Dans une application MR, le réel se dote de différents objets virtuels et dynamiques avec lesquels, cette fois-ci, l’utilisateur peut interagir pour accomplir certaines tâches concrètes. Ici, le virtuel et le réel fusionnent pour proposer une sorte de troisième monde, à l’intersection des deux autres, où les actions sur le virtuel ont un effet direct dans le réel.
L’industrie et la santé en tête des usages
Les premiers casques de réalité mixte développés dès 2015 par Microsoft (HoloLens) et Magic Leap (One) n’étant pas spécialement bon marché (au minimum 2 000 €), les premiers cas d’usage se sont concentrés dans des domaines professionnels. Mais les industriels ont très vite compris l’intérêt que pouvaient avoir un tel dispositif dans l’amélioration de leur process. À Lyon, Renault Trucks a ainsi mis en place dès 2017 des expérimentations auprès de ses techniciens du contrôle qualité. Grâce aux dispositifs MR, ils visualisent les pièces et les opérations à réaliser sur un vrai moteur. Un gain de temps et d’efficacité qui permet d’augmenter considérablement la production en gagnant en qualité, puisque le dispositif leur permet de se focaliser sur des tâches complexes.
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Autre domaine pionnier, la santé s’est également saisie de la technologie en lui trouvant une application concrète dans le domaine chirurgical. Un première a même été réalisée en 2018 par le Professeur Thomas Grégory, chirurgien orthopédique de l’hôpital Avicenne à Paris (AP-HP), lors d’une opération menée avec un casque MR sur une prothèse d’épaule. Les mêmes équipes sont allées encore plus loin en 2021, en connectant simultanément 15 chirurgiens dans 13 pays différents pour procéder à une opération, toujours pilotée par le Professeur Grégory.
Demain, une expérience immersive sans casque ?
Industrie 4.0, e-santé, formation… La réalité mixte est déjà à l’œuvre dans de nombreux secteurs, et d’autres s’y intéressent. L’automobile, là encore, développe des applications sur le volet commercial. Cette fois, c’est le constructeur Volvo qui travaille avec Microsoft afin de proposer au client une nouvelle manière d’acheter son véhicule en concession. Objectif : pouvoir projeter concrètement le modèle de son choix avec la possibilité de modifier options, couleur, motorisation, etc. Sur le même principe, l’immobilier peut offrir une expérience augmentée à son client qui serait désormais capable de manipuler son futur logement, voire de le modifier selon ses envies, lors d’une construction neuve. Sans parler des applications possibles dans le domaine du BIM (Building Information Modeling : la modélisation collaborative de l’architecture d’un immeuble).
Pour aboutir à un tel déploiement, la disponibilité des outils reste un élément-clé. Derrière Microsoft et Magic Leap, les Français de Lynx vont lancer leur casque R1 dès le printemps prochain, tandis qu’Apple a annoncé l’arrivée de ses lunettes sur le marché à la fin de l’année 2022. Mais l’avenir de la réalité mixte ne passe pas forcément par des équipements encombrants. Différentes sociétés proposent déjà des innovations permettant d’interagir directement avec des objets, sans utiliser de casque. C’est le cas de l’écran conçu par Dimenco, dont la technologie s’appuie sur le suivi des mouvements de l’œil, ou de Vuzix qui embarque sa technologie dans des lunettes de sécurité aussi légères qu’un modèle standard. En attendant (peut-être), l’émergence prochaine du projet Roomality, qui promet aux utilisateurs un voyage totalement immersif, dans une pièce isolée, sans avoir à enfiler le moindre équipement.