Fonds FHF : trouver les pépites pour l’hôpital de demain
Pour Enguerrand Habran, directeur du fonds Recherche et innovation de la Fédération hospitalière de France, partenaire de la catégorie santé du concours French IoT, l’Internet des objets peut être un bon moyen d’améliorer le quotidien des patients à l’hôpital… comme celui du personnel soignant.
Pour French IoT, le directeur du fonds Recherche et Innovation de la Fédération hospitalière de France, Enguerrand Habran, explique ce que l’Internet des objets peut apporter à la gestion de l’hôpital de demain.
Cet ancien start-upper, qui a pris la direction du fonds en janvier 2016, livre également son sentiment, parfois critique, sur l’écosystème français de l’IoT en matière de santé.
Le fonds Recherche et Innovation de la FHF (4 800 établissements publics affiliés sur tout le territoire), qui aide au financement de projets innovants, est pour la première fois partenaire du concours French IoT, où elle chapeaute la catégorie santé.
French IoT : Qu’est-ce que l’Internet des objets peut apporter à l’hôpital de demain ?
Enguerrand Habran : L’hôpital est une mini-ville. Tout ce qui marche pour la smart city peut donc devenir du smart hospital. Le tracking d’objets, par exemple, peut être intéressant, car nous avons de grosses problématiques de perte de ces objets et de perte de temps à les chercher. Bref, tout ce qui peut permettre au soignant de gagner du temps pour faire plus de « médical ».
Nous sommes en revanche très sceptiques sur l’Internet des objets à vocation de suivi de patient, avec l’idée de « faire du médical ».
Fr.IoT : Pour quelles raisons ?
E.H. : On s’est aperçus, par le biais d’études, que les patients chroniques n’ont pas envie d’avoir un objet qui leur rappelle qu’ils sont malades. Si l’on veut faire de l’IoT pour suivre un patient chronique, il faut s’insérer dans les dispositifs que les patients ont déjà.
Sur ce que l’on peut faire de la donnée, ensuite. Il y a une problématique non seulement de cyber sécurité mais surtout de fiabilité : prenez dix objets de dix marques différentes qui suivent la même chose, vous aurez quatre mesures différentes.
On observe aussi un problème de contextualisation. Si je suis suivi pour une pathologie cardiaque avec un objet qui suit ma tension, l’objet va m’indiquer que ma tension augmente alors que, peut-être, je suis en train de regarder un match de football qui se termine aux tirs au but. C’est un évènement de vie mais l’objet ne le sait pas. Sans contextualisation de la donnée médicale, elle ne vaut rien.
Nous sommes donc très sceptiques là-dessus mais, sur ce plan-là, l’approche du groupe La Poste est intéressante, avec un Hub Numérique qui permet justement d’avoir plusieurs sources de données. C’est par le recoupement des sources que l’on peut pallier cette problématique de contextualisation.
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Fr.IoT : Qu’est-ce qui vous a donc séduit dans le programme French IoT ?
E.H. : Il y avait tout un tas de problématiques qui nous intéressaient. On a pris des gens qui n’étaient pas dans l’impact médical mais qui avaient un intérêt réel pour l’hôpital, comme Apitrak -qui suit les objets de l’hôpital- ou Sil-Lab Innovation, qui facilite la coordination des acteurs par l’objet connecté.
Diabeloop, en revanche, fait du médical. Sauf qu’ils se servent de choses déjà utilisées par les patients atteints de diabète –trackers de glycémie et pompes à insuline automatiques- et les connectent grâce à un algorithme inséré dans le smartphone. On ne fait donc appel à aucun nouvel objet, on rend juste intelligents des objets qui existent et que les patients connaissent.
Les derniers, Médicus, sont sur de la data visualisation et de la data interprétation. Ils travaillent à rendre intelligible l’information, afin que l’on puisse se l’approprier et faire les bons choix. Leur proposition de valeur, c’est de s’attaquer à un problème global. Ce qu’ils ont là, peut-être n’en n’ont-ils pas encore conscience, mais c’est une mine d’or.
« Beaucoup de place pour l’innovation »
Fr.IoT : Comment jugez-vous l’écosystème de start-up dans le domaine de la santé ?
E.H. : Il y a énormément de gadgets, car beaucoup de monde s’intéresse à la santé grâce au numérique, qui est un marché énorme.
Sur les start-up, on voit plusieurs types de créations de projets. On a d’abord ceux qui ont vécu un problème et se disent qu’il y a un business model à faire dessus. Sauf que ce problème arrive une fois tous les un million de fois.
Il y a ensuite ceux qui ont identifié un bon problème, mais qui ne sont pas des gens issus du domaine de la santé. Technologiquement, ça sera bien conçu, mais ça ne sera pas forcément pertinent sur le plan médical et ils auront du mal à obtenir la confiance des professionnels de santé. Si leur technologie est très bien, on a intérêt toutefois à les accompagner, à mettre à leur portée les gens dont ils ont besoin.
D’un autre côté, il y a des médecins qui se disent qu’il y a ce problème-là et qu’il y a telle technologie disponible. Ils « bidouillent » alors quelque chose. C’est médicalement pertinent mais technologiquement mal conçu, mais ceux-là aussi méritent d’être aidés, en mettant des gens de la tech dessus.
Et puis il y a le dernier cas où des gens de la santé se sont occupés de santé, les gens du design se sont occupés de design et les gens de la tech se sont occupés de la tech. Et là, on a un truc super.
Il y a enfin beaucoup de gens qui veulent disrupter. C’est très bien, mais il faut alors travailler un truc supplémentaire. Une innovation doit être incrémentale. Diabeloop n’est pas disruptif, mais c’est incrémental. Il y avait déjà la pompe à insuline, on n’avait donc pas besoin que ça soit hyper innovant, mais ce qu’ils apportent en confort de vie pour le patient est phénoménal.
Si l’innovation n’est pas incrémentale, il faut travailler davantage l’écosystème. Dans le domaine de la santé, beaucoup de ceux qui veulent innover font du disruptif sans accomplir ce travail en plus. On voit donc passer des choses qui ont l’air très bien mais dont on sait qu’elles ne marcheront pas.
Fr.IoT : Comment faire pour améliorer les choses ?
E.H. : Pour faire de la e-santé, il ne faut pas adopter les codes du numérique mais ceux de la santé et les faire cohabiter avec les technologies du numérique. C’est ça, la révolution.
Avant, lorsque l’on voulait faire un produit dans le domaine de la santé, cela coûtait des millions d’euros. Aujourd’hui, on peut faire de la santé avec le numérique et l’un des gros avantages du développement du numérique, c’est que ça ne coûte rien technologiquement. On va donc pouvoir baisser les coûts et la durée du développement technologique. Par contre, le temps réglementaire, le temps de confiance et d’incorporation culturel dans la sphère de la santé resteront les mêmes.
Il y a encore énormément de place pour l’innovation dans notre secteur. Nous avons tellement de problèmes à régler… A chaque fois que l’on fait un atelier pour faire émerger des problèmes, nous avons cent possibilités sur lesquelles on a envie de développer quelque chose.
Propos recueillis par Benjamin Hay – Illustration © spotmatikphoto – Fotolia.com