Capital risque : quelles tendances en période de crise ?
Chômage partiel, retards de paiements, baisse d’activité : les start-up françaises n’ont pas été épargnées par les conséquences de la crise sanitaire. Si les levées de fonds n’ont pas reculé en 2020, les investisseurs semblent avoir modifié leur comportement.
Au terme d’une année compliquée, pendant laquelle près de la moitié des start-up françaises ont eu recours au chômage partiel, le bilan n’est pas si sombre. Dans son baromètre annuel du capital risque (VC), le cabinet d’études EY annonce en effet que l’écosystème de la French Tech a levé un total de 5,39 milliards d’euros, soit une hausse de 7% par rapport à l’année précédente (5,03 milliards d’euros). En temps de crise, de tels résultats suffiraient à redonner le sourire et des perspectives encourageantes à ces jeunes pousses encore fragiles.
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La lecture détaillée des différentes données produites en France et ailleurs amène pourtant de légères nuances à ce tableau. Car, si les investisseurs ont été très présents lors du deuxième semestre, ils ont aussi privilégié les projets déjà financés, voire plus matures. Une tendance à la prudence qui pourrait bien se renforcer en 2021.
En Europe, la France tire son épingle du jeu
De manière générale, les principaux pays d’Europe ont connu un recul de la dynamique d’investissement. En 2019, la France (+39%) comme le Royaume Uni (+55%) et l’Allemagne (+39%) connaissaient une hausse record du capital risque. En comparaison, le contrecoup de 2020 est bien plus violent pour nos voisins anglais (seulement 11% de croissance) et surtout allemands qui sont les seuls à voir reculer (de 14%) le montant total des levées de fonds.
Cette année, la France arrive même à placer un de ses champions – Voodoo, éditeur de jeux vidéos pour smartphone – dans les dix meilleures valorisations, palmarès largement dominé par le Royaume-Uni qui place sept de ses sociétés.
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C’est d’ailleurs l’un des autres faits majeurs de l’année : alors que le secteur des logiciels engrange, traditionnellement, un maximum d’investissements, il est rattrapé par les services internet qui ont cumulé un quart du capital-risque. Les start-up des secteurs Cleantech ont elles aussi connu une embellie illustrée par les succès d’Ÿnsect (190 millions d’euros, après en avoir levé 110,5 l’année dernière) et EcoVadis (182 millions d’euros).
Aux côtés des pépites de la Fintech, secteur en croissance constante, les sociétés qui se saisissent des enjeux sociétaux les plus forts (environnement, responsabilité, transparence) ont de fortes chances de séduire les VC dans les mois qui viennent.
La scale-up, nouvel Eldorado pour les VC ?
Au-delà de ces données sectorielles, un mouvement de fond apparaît : en 2020, et a fortiori en 2021, le capital-risque prend… un peu moins de risques. Entre mars et juillet, le spécialiste de la levée de fonds Chausson Finance a livré un baromètre qui a permis d’analyser à chaud la réaction des VC européens à ce contexte inédit. Dans son dernier bulletin, le 3 juillet 2020, les 89 investisseurs interrogés envisageaient un changement de stratégie qui passait, en priorité, par la révision des stades de développement des sociétés ciblées.
Plus d’un tiers envisageait ainsi d’aller vers des stades plus matures. Un réflexe qui prolonge celui que de nombreux VC ont eu au plus fort de la pandémie : fermer les vannes pour se replier sur le refinancement des entreprises de leur portefeuille. Une étude publiée en mai 2020 par Slush – l’une des grandes conférences internationales de start-up – montre ainsi que 46% des VC interrogés se sont concentrés sur cette partie de leur activité, délaissant largement les nouveaux investissements.
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Moins d’opérations (620 en France, selon EY, soit 16% de baisse en un an), pour concentrer les investissements de manière plus ciblée et plus sûre : voilà donc la tendance qui se profile pour le capital-risque, au moins pour le premier semestre 2021. Dans ce contexte, les scale-up pourraient représenter une valeur refuge. Un rapport de Tech.eu et Stripe publié en 2019 montrait déjà que les jeunes pousses européennes qui avaient atteint ce stade de maturation avaient levé 30 milliards d’euros entre 2016 et 2018, un chiffre qui a quasiment doublé en trois ans.
Dans le baromètre EY, l’augmentation des levées de fond supérieures à 50 millions d’euros (+88%) semble accréditer cette thèse. Une nouvelle occasion, pour l’écosystème French Tech, de prouver qu’il sait s’adapter, à condition de rester vigilant -en s’orientant vers ces start-up déjà installées- sur les dispositifs d’aide à l’amorçage… et la question de la parité.
La dernière promotion du dispositif French Tech 120 ne comptait que sept femmes au poste de CEO. Entre 2008 et 2019, les fondatrices de start-up françaises n’avaient reçu que 2% des investissements, selon une étude du collectif Sista.