Avec l’IoT, « créer de nouvelles interactions » dans la ville
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Avec l’IoT, « créer de nouvelles interactions » dans la ville

Maxime Lanquetuit, directeur de l’innovation d’Altarea Cogedim, détaille ce que les nouvelles technologies vont apporter à la vie en ville, à l’échelle d’un quartier, avec des bâtiments toujours plus connectés.

Partenaire de la promotion 2018-2019 du concours French IoT, Altarea Cogedim a lancé à la fin de l’été 2017 son application Easy Village, destinée aux habitants et usagers de ses nouveaux projets mixtes. Elle repose sur une plateforme numérique (en partenariat avec le Hub Numérique du groupe La Poste) qui permet la mise en place de services urbains connectés « pour plus de praticité, de confort et d’interactions entre et au profit des habitants ». Et pour aider à l’intégration et à l’adaptation des habitants à leur nouvel espace de vie.

Son directeur de l’innovation, Maxime Lanquetuit, précise l’apport des nouvelles technologies dans la vie des quartiers de nos futures « smart cities » :

French IoT : Comment l’Internet des objets va-t-il rendre nos quartiers et bâtiments plus intelligents ?

Maxime Lanquetuit : Sur le volet IoT, l’enjeu pour nous, est de créer de nouvelles interactions entre les bâtiments et leurs utilisateurs, de bâtiment à bâtiment et d’utilisateur à utilisateur dans nos projets pour améliorer le bien-être de nos clients et permettre un mode de vie plus durable.

Pour que ces innovations soient pérennes, elles doivent obéir à trois grands enjeux : « planet », « people » et « profit ».

Planet : l’idée est de permettre un mode de vie plus responsable et respectueux des ressources naturelles. A nous de faire en sorte que les nouveaux bâtiments soient plus efficients sur le plan environnemental. Cela passe par une meilleure gestion de l’énergie, l’intégration de la production d’énergies renouvelables au sein même de nos projets ou même par la connexion entre des bâtiments qui ont des usages différents : un immeuble d’habitation va pouvoir récupérer et exploiter la chaleur rejetée par le refroidissement de certains bâtiments, tels que les commerces ou les datacenters.

Enfin, l’interface utilisateur du bâtiment va donner à ses habitants un certain nombre d’informations pour qu’ils pilotent au mieux leur consommation d’énergie et donc leur budget. Grâce aux objets connectés, l’utilisateur va pouvoir interagir avec son bâtiment pour optimiser son confort et réaliser des économies d’énergie.

People : l’interaction d’utilisateur à utilisateur prend tout son sens à grande échelle. C’est la capacité à connecter plusieurs communautés qui ont un intérêt à interagir ensemble. Le meilleur exemple est l’automobile, qui passe 95% de son temps au parking et est conduite la plupart du temps par une seule personne. L’idée, ici, est de faire bénéficier les habitants d’un certain nombre de services à l’intérieur d’une résidence, en créant des communautés d’intérêt pour mutualiser, par exemple, les déplacements par nature énergivores et coûteux.

Profit : le troisième élément est la dimension économique qui découle de ces nouveaux usages pour leur faire bénéficier d’un modèle économique pérenne. Pour créer une vie de quartier, il faut que les gens se connaissent et puissent échanger des services qui leur facilitent la vie. A Massy, il y a un peu plus d’un an, nous avons construit un ensemble de 800 logements, 30 commerces et un espace public. Nous avions donc 2 000 habitants qui ne se connaissaient pas et qui s’installaient en peu de temps. Or, nous les connaissions et il y a, parmi eux, forcément quelqu’un qui a un service à proposer ou qui a besoin de quelque chose, d’où l’idée de proposer un cadre numérique qui permette de faciliter les échanges entre habitants mais aussi avec les commerçants du quartier afin de capter et ramener les flux économiques, auparavant consommés hors du quartier, qui favoriseront le développement économique local.

Ce cadre numérique prend la forme d’une application de quartier, nommée Easy Village développée en partenariat avec Docapost qui permet notamment de jouer sur les trois piliers précédemment cités :

Dans son logement : piloter la sécurité et les consommations énergétiques grâce aux objets connectée et scénarios domotiques

Dans sa résidence : profiter des espaces et services partagés

Dans son quartier : échanger avec ses voisins, commander chez les commerçants locaux et accéder aux informations et services de sa ville.

« Correspondre à une attente sans être intrusif »

Fr.IoT : Quels futurs usages de la ville de demain le déploiement de l’IoT et de la connectivité vont-ils permettre ?

M.L. : Le digital participe à une meilleure connexion entre les besoins et les ressources disponibles, ce qui ouvre la porte à une ville que l’on « consomme » un peu plus à la demande.

La démocratisation des objets connectés, le développement de la technologie et de leur interopérabilité vont permettre de répondre aux problématiques que nous venons d’évoquer et, donc, d’amener vers une meilleure utilisation des ressources, ce qui va devenir un enjeu majeur. Toutes ces datas collectées grâce à l’IoT permettront de mieux concevoir la ville de demain en fonction des usages, et ainsi maximiser le service rendu et minimiser l’impact planète.

Par exemple, une meilleure gestion des flux de déplacements offrira une gouvernance plus fine des transports, au travers notamment de l’intermodalité, c’est-à-dire encourager à une bonne combinaison de différents moyens de transport qui pourront être mutualisés.

L’innovation doit en tous cas correspondre à un besoin ou à une attente des gens et ne pas être intrusive.

Fr.IoT : A quels besoins de la population ce déploiement vient-il justement répondre ?

M.L. : Acheter un logement est un investissement très « intime », car c’est un lieu où l’on va vivre des moments forts avec la famille et les amis. On y recherche du bien-être, du confort, de la sécurité et de la praticité. Sur tout cela, le numérique permet un gain important, que cela soit en créant des scénarios d’usage qui participent au confort des habitants dans le logement ou, à l’échelle d’une résidence, par la mise en place d’espaces partagés que l’on peut réserver pour une occasion particulière via des outils numériques.

Par cette mutualisation des services et des espaces, le numérique concoure à créer une certaine solidarité qui génèrera de la bienveillance au sein du quartier. C’est d’ailleurs pour cela que l’on a appelé notre application de quartier Easy Village, qui a pour but de créer du bien-être et une meilleure appropriation de la sphère qui entoure le logement. Dans une ville de plus en plus dense, cette solution vient lutter contre l’anonymat en connectant les gens et en facilitant les ambiances de quartier.

Fr.IoT : Les nouveaux habitants auront-ils besoin de s’équiper ou les services leur seront déjà fournis avec leur nouveau logement ?

M.L. : Les deux cas sont possibles. Lorsque l’on achète un logement chez nous, on va s’endetter parfois longtemps pour un bien immobilier qui, normalement, ne vieillit pas. La technologie, elle, évolue plus vite, il faut donc que le logement soit en capacité d’évoluer avec son temps.

A nous, par conséquent, de trouver le juste niveau d’équipement technologique dans le logement et lui permettre d’être compatible avec ce qui va arriver après, c’est pour cela qu’Easy Village repose sur le Hub Numérique de Docapost. Ce dernier permet une interopérabilité avec les systèmes qui viendront après, grâce à une mise à jour des plateformes et des outils de contrôles sur le long terme.

Un certain nombre d’équipements technologiques sont donc ancrés dans les murs, pilotables via l’application Easy Village qui évoluera dans le temps et se mettra à jour de sorte à y adjoindre de nouveaux objets connectés qui offriront un service supplémentaire post-livraison du logement.

« Des modèles économiques à trouver »

Fr.IoT : A propos de ces technologies connectés, sont-elles désormais au point ? Que reste-t-il à améliorer ?

M.L. : Nous ne savons pas encore tout ! Et la technologie est, forcément, amenée à évoluer d’autant que l’usage des objets connectés en est encore à sa phase de décollage. Le niveau d’attente des résidents va en outre augmenter, une pédagogie va devoir être mise en place. Il faudra aussi assurer la démocratisation d’un certain nombre d’usages technologiques et de beaucoup d’équipements nouveaux qui arrivent à l’intérieur du logement.

Les gens ont parfois, encore, l’impression que la technologie est un peu intrusive. Notre priorité est de leur laisser le choix et de respecter leur intimité en donnant la possibilité à chaque résident d’agréger les services qu’ils souhaitent, dans le respect de leurs données personnelles.

Fr.IoT : La technologie contenue dans nos nouveaux quartiers et bâtiments intelligents va-t-elle y faire, automatiquement, grimper les prix de l’immobilier ?

M.L. : Pas forcément. C’est surtout le prix des terrains qui, aujourd’hui, renchérit celui de l’immobilier. Il y a aussi des équipements technologiques qui peuvent être vendus en option, d’autres qui peuvent être compris dans le coût de construction du promoteur mais dans tous les cas, le sujet de l’accès au logement est tel, en France, qu’on ne peut pas se permettre de renchérir du fait de la technologie.

Il reste à côté de cela des modèles économiques à trouver : une meilleure gestion de l’énergie peut amortir un éventuel surcoût lié à de l’équipement connecté, une meilleure gestion des déplacements va redonner du pouvoir d’achat aux ménages… Il y a aussi les modèles économiques auxquels on ne pense pas, qui peuvent rembourser le coût des infrastructures, le partage en est un. Grâce au digital et à la bonne adéquation d’un fournisseur de service, la massification de ces services fait que leurs prix vont baisser et/ou leurs qualités vont augmenter.

Propos recueillis par Benjamin Hay – Illustration © metamorworks – Fotolia.com

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