Start-up : pourquoi ne pas tenter l’entrée en bourse ?
Martine Collonge, déléguée générale de Lyon Pôle Bourse, explique pourquoi, selon elle, les jeunes entrepreneurs ont tort de négliger l’opportunité d’une entrée en bourse.
L’entrée en bourse, dans l’imaginaire populaire, est l’apanage des très grosses entreprises aux reins bien solides. La réalité est plus nuancée. Une start-up qui grandit peut tout à fait envisager de faciliter sa croissance en s’introduisant en bourse. Elle y trouvera notamment les financements nécessaires au développement de son activité.
Les start-up françaises, pourtant, occultent la plupart du temps ce que Martine Collonge, déléguée générale de Lyon Pôle Bourse, dépeint comme une « vraie opportunité ». Elle en dit plus sur les raisons qui devraient pousser, selon elle, les jeunes entreprises hexagonales à s’y intéresser.
French IoT : Pourquoi une start-up devrait-elle se lancer en bourse ?
Martine Collonge : La bourse fait souvent office d’accélérateur de croissance car elle permet de lever des fonds relativement importants. Or, la culture française des créateurs d’entreprise a du mal avec ce concept, car ils voient l’introduction en bourse comme un projet à long terme, loin du démarrage de leur entreprise. Ce qui n’est pas le cas par exemple aux États-Unis.
La bourse doit faire partie des options de financement lorsqu’on lance une start-up.
Fr.IoT : L’entrée en bourse est-elle un plus pour l’image que renvoie une start-up ?
M.C. : Elle donne de la lisibilité, de la visibilité et de la crédibilité. Elle oblige à exposer son activité et à fixer des objectifs de développement mais aussi, elle délivre une information périodique sur l’activité de la société, ce qui rassure les clients et fournisseurs potentiels, ainsi que les banquiers.
La cotation en bourse permet à l’entreprise d’être plus visible aussi à l’international. Une TPE ou PME a ainsi accès aux médias financiers qui relaient son introduction en bourse et sa cotation. De plus, une société cotée dispose d’une rubrique sur son site internet, que n’importe qui pourra consulter, où sont mis à disposition une information financière et le suivi de l’activité de l’entreprise.
En France, on compte moins de 1 000 sociétés cotées, dont entre 500 et 600 PME. Celles-ci sortent du lot, car elles bénéficient d’une nouvelle « carte de visite » grâce à la cotation.
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« Il faut une technologie innovante et un potentiel de croissance fort »
Fr. IoT : Y’a-t-il un moment-clé pour se lancer ?
M.C. : La plupart du temps, les créateurs d’entreprise pensent qu’il faut que leur activité soit mature, ou qu’ils sont trop petits. En réalité, on peut s’intéresser au marché tôt en matière de nouvelles technologies, à partir du moment où l’on a une technologie à vendre. Il s’agit de secteurs avec un fort potentiel de croissance, on peut donc tout à fait venir en bourse rapidement.
L’introduction en bourse peut venir également en complément du capital investissement.
Fr.IoT : Ce n’est pas plus risqué de se lancer tôt ?
M.C. : Ça peut l’être si le modèle de développement de l’entreprise n’est pas suffisamment clair et éprouvé. Pour rentrer jeune sur le marché, il faut une technologie innovante et un potentiel de croissance fort.
Pour limiter les risques, les intermédiaires qui accompagnent l’entreprise en bourse font une analyse de l’entreprise et testent les investisseurs sur leur appétence ou non face au projet de l’entreprise.
Une fois que celle-ci est introduite en bourse et qu’elle a levé des fonds, ces fonds ne seront jamais à rembourser par l’entreprise, ils se négocieront sur le marché. A contrario, pour les fonds levés auprès du capital investissement, on doit à terme offrir une liquidité, les rembourser avec l’entrée d’autres investisseurs ou leur proposer une sortie sur la bourse.
Si le marché est déçu des résultats financiers ou du développement de la société, les investisseurs vont être vendeurs, ce qui va entraîner une baisse du cours. Mais cela ne va pas empêcher le dirigeant de poursuivre le développement de sa stratégie.
Fr.IoT : Y’a-t-il des conditions requises à l’introduction en bourse ?
M.C. : Relativement peu. Pour les sociétés technologiques, les processus sont un peu particuliers afin de leur permettre d’arriver assez jeunes sur le marché. Il faut simplement que le projet soit relativement avancé et avoir commencé à tester la commercialisation des produits. Détenir déjà quelques clients en références est un plus, notamment s’ils peuvent témoigner au moment de l’introduction.
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« Ne pas promettre en l’air, le marché a de la mémoire ! »
Fr.IoT : Comment attire-t-on les investisseurs en bourse ?
M.C. : C’est le métier des prestataires de services en investissement, les brokers, qui vont accompagner la société sur le marché boursier. Ce sont des spécialistes qui sont aux côtés des dirigeants d’entreprises et qui vont analyser la société et, le cas échéant, prévenir si l’entrée leur paraît trop prématurée. Préalablement à l’introduction en bourse, en phase de pré-marketing, ils vont vérifier l’appétence des investisseurs.
Ensuite, ils accompagneront l’entreprise sur le marché avec les CAC, les juristes de l’entreprise et une société de communication financière pendant tout le processus de l’introduction en bourse et ensuite pendant la cotation.
Fr.IoT : Les démarches à accomplir sont-elles longues ?
M.C. : Entre le moment où la société s’intéresse à l’opportunité d’entrer en bourse et celui où elle y parvient, cela prend entre trois et six mois. Tout dépend du degré de préparation de l’entreprise. Ce n’est pas, en tous cas, plus long que de faire rentrer des investisseurs financiers au capital.
Fr.IoT : Quels sont les principaux pièges à éviter ?
M.C. : Il faut d’abord avoir une certaine sécurité sur le modèle que l’on présente et les perspectives que l’on attend. Il ne faut pas courir après une valorisation maximale, notamment pour les sociétés technologiques qui seront, peut-être, amenées à lever de nouveau des fonds plus tard sur le marché. En somme, il ne faut pas décevoir les premiers actionnaires afin qu’ils puissent rester fidèles lors de futures augmentations de capital.
Il convient donc de faire attention à la valorisation lors de l’introduction en bourse. Il ne faut pas promettre des développements sur lesquels on n’a pas un degré d’assurance suffisant, car le marché a de la mémoire.
L’entrepreneur doit être extrêmement prudent et ne doit pas vouloir vendre au prix le plus élevé, pour laisser une marge d’appréciation au marché.
Propos recueillis par Benjamin Hay – Illustration Pixabay.com