Pour garder l’esprit start-up, « être clair sur les valeurs »
Zoom sur la stratégie RH mise en place par le groupe Theodo, qui a créé son propre écosystème de start-up. La garantie, selon ses dirigeants, de conserver l’esprit d’une jeune pousse dynamique et innovante.
Les ressources humaines, nombreux sont les dirigeants à le savoir, ne sont pas toujours une mince affaire. Parce que l’humain est complexe et parce que la somme d’humains engagés dans un même projet entrepreneurial est elle-même délicate à manœuvrer.
Le défi, pour une start-up, est d’autant plus grand. Un développement rapide du business occupe les esprits, oblige à recruter. Un contexte où il n’est pas toujours évident de conserver « l’âme » d’une jeune pousse innovante.
Un exemple singulier est celui de la société Theodo, créée en 2009 par Benoît Charles-Lavauzelle et Fabrice Bernhard. Elle conçoit des outils digitaux qui permettent à ses clients de répondre à leurs challenges le plus vite possible et à moindre effort pour eux. En 2014, ils créent M33, le « start-up studio » de Theodo. Cinq entreprises y développent, chacune, leurs solutions numériques avec des spécialisations différentes : Theodo et Theodo UK sont spécialisées dans le web, BAM dans le mobile, Sicara dans la data science et Sipios dans la fintech.
Un modèle qui illustre des choix managériaux bien réfléchis. Julien Laure, CEO de Theodo, les explique.
French IoT : En quoi le fonctionnement RH de Theodo est-il particulier ?
Julien Laure : Notre métier est de développer des applications sur-mesure pour nos clients. Nous exploitons le potentiel du digital pour répondre à leurs challenges le plus vite possible et à moindre effort pour eux.
Nous accompagnons aussi bien des grands groupes internationaux – Safran, Société Générale, Suez environnement -que des start-ups en fort développement- BlaBlaCar, Content Square ou ManoMano.
En 2014, nous avons créé le « Start-up studio » M33. Il compte aujourd’hui cinq start-ups spécialisées dans la création de solutions digitales et représente 200 personnes : 100 chez Theodo Paris et Theodo Londres, et le reste chez nos trois autres start-up -BAM, Sicara et Sipios. M33 nous permet de scaler le modèle de Theodo sans devenir trop gros.
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Fr.IoT : Ne pas vouloir devenir « trop gros », ce n’est pas contradictoire pour une start-up ?
J.L. : Nous souhaitons accélérer notre croissance tout en gardant notre esprit start-up. M33 permet de concilier ces deux objectifs. Avec M33, le client dispose chez nous d’une expertise très forte en matière de développement agile d’applications.
La création du start-up studio a été un pari. Il nous permet, aujourd’hui, de proposer plusieurs opportunités à un même client, de nous spécialiser sur différents domaines.
L’objectif, c’est que la personne qui rejoint l’une des start-ups de M33 devienne, dans les quatre ans, CEO/CTO de sa start-up. Ainsi, les profils que nous attirons progressent rapidement et restent dans l’écosystème lorsqu’ils créent leur start-up.
« Rien n’est écrit, mais toutes les décisions prises
sont imprégnées de nos valeurs »
Fr.IoT : Quel rapport entretenez-vous avec les start-up qui composent ce « Start-up studio » ?
J.L. : Theodo est indépendante des autres sociétés du groupe, qui elles-mêmes ne sont pas concurrentes. Chacune a son propre binôme de dirigeants CEO-CTO. Nous formons un écosystème et collaborons en ce sens. Nous échangeons des bonnes pratiques.
Chacune des nouvelles start-up qui se lance, bénéficie non seulement de toute l’expérience acquise par les autres start-ups, mais aussi des synergies du studio : recrutement en top écoles, coaching des fondateurs, réseau des autres start-ups par exemple. Si un client va voir Theodo et qu’au cours des échanges, un sujet data émerge, on embarque Sicara avec nous, et inversement.
C’est également un super écosystème qui permet aux membres de M33 de passer d’une start-up à l’autre.
L’idée en 2014, était de « sortir » une start-up par an. Nous allons accélérer à partir de cette année. Tout cela en préservant la culture de chaque start-up. Nous sommes 100 chez Theodo et la culture start-up des débuts est toujours aussi forte.
Fr.IoT : Comment pouvez-vous être aussi sûr de garder votre « esprit start-up » ?
J.L. : Parce que nous sommes clairs sur nos valeurs. Pour évoluer à Theodo, certains critères sont liés à la performance, d’autres à ces valeurs. C’est un garde-fou important.
Nos valeurs sont l’esprit d’équipe, l’envie de progresser et le pragmatisme. Rien n’est écrit sur les murs mais toutes les décisions que l’on prend en sont imprégnées.
Au sein de M33, les dirigeants sont présents et s’impliquent dans le quotidien des équipes. Chaque personne a un coach. Celui-ci fait progresser ses coachés en les faisant passer au prochain niveau, lors d’un speed-coaching de trente minutes.
Il s’agit d’une personne qui a plus d’expérience dans l’entreprise, sans qu’il soit son supérieur hiérarchique.
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Pour tout nouvel arrivant,
« une vision claire sur ses quatre prochaines années »
Fr.IoT : Qu’en est-il de votre processus de recrutement ?
J.L. : Il y a un premier entretien téléphonique pour détecter la motivation de la personne à postuler chez nous. Ensuite, un test d’algorithmique en ligne, puis un entretien RH et un entretien de pair-programming, pour savoir comment elle appréhende un problème en codant.
Restent un entretien de logique, pour tester son niveau en mathématiques, puis un dernier entretien avec les dirigeants de la start-up concernée.
Nous recrutons en majorité des ingénieurs sortis d’école, mais également des ingénieurs qui ont de l’expérience. Tous ont envie d’apprendre et de progresser rapidement.
Quand elle arrive chez nous, la personne a une vision claire sur ses quatre prochaines années. Elle sait ce qu’elle doit accomplir chaque année pour passer au niveau supérieur. C’est comme ça que les « theodoers » vont s’épanouir dans leur travail.
Fr.IoT : En quoi consiste le Lean Management, appliqué au sein du groupe ?
J.L. : L’idée, c’est que c’est en développant les personnes que l’entreprise va se développer. Nous sommes là pour les aider à devenir meilleures, en étant au plus proche de ce qu’elles font.
Pour devenir des « super héros », il faut que les gens aient, à côté de leur travail quotidien, un sujet d’innovation à mûrir. En fonctionnant ainsi, ils améliorent certains « muscles » qu’ils ne développent pas lorsqu’ils n’ont l’esprit qu’à leur travail quotidien.
Fr.IoT : Quels conseils donneriez-vous à une start-up qui se lance ?
J.L. : Il faut un leader qui pose le cadre qui permette à chacun de se déployer. Un cadre non rigide, avec des règles du jeu qui évoluent.
Dans ce cadre, il faut laisser beaucoup d’autonomie aux personnes pour qu’elles innovent. Le rôle du leader est de les mettre sur les bons sujets et de faire travailler les « muscles » qu’elles n’ont pas envie, seules, de faire travailler.
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